Dossier / Empowerment

L’énergie solaire prépayée pour électrifier l’Afrique

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Bureau Mobisol à Naivasha, dans le comté de Nakuru, au Kenya. Installateurs Mobisol de panneaux solaires à Lolovono, région d’Arusha (Tanzanie).

Le fournisseur de solutions solaires Mobisol participe depuis 2010 à l’électrification des foyers ruraux de l’Afrique de l’Est, comme d’autres acteurs tels Azuri ou M-Kopa Solar, ailleurs sur le continent. Mobisol propose des systèmes faciles à installer et financés par le microcrédit. Son slogan : « plug-in the world » (brancher le monde).

L’électricité, c’est l’accès à l’eau, à l’éducation, à la santé…

En développant l’énergie solaire abordable à destination des populations rurales d’Afrique de l’Est, l’entreprise allemande Mobisol offre, depuis 2010, de nouvelles solutions au continent le moins alimenté en électricité et une alternative propre aux combustibles fossiles. Dans cette partie de l’Afrique, la plupart des zones rurales sont plongées dans le noir et beaucoup de foyers ne sont toujours pas raccordés au réseau national. Les habitants sont souvent contraints d’utiliser des lampes à pétrole et du kérosène pour alimenter des générateurs. Or ces combustibles non seulement coûtent cher mais sont nuisibles pour la santé et l’environnement.

« L’électricité, c’est aussi l’accès à l’eau, à l’éducation, à l’emploi ; ce sont de nouvelles actions communautaires, comme faire fonctionner un équipement médical de base, de nouvelles façons d’utiliser l’espace public, de nouveaux degrés de liberté », rappelle Thomas Duveau, qui a rejoint l’équipe fin 2012. Le directeur du développement de Mobisol passe six mois par an sur le terrain pour évaluer les besoins et identifier les volontés politiques d’utiliser une électrification rurale à grande échelle. Car, dans ces pays où le déploiement du réseau stagne, les demandes sont énormes pour pallier l’absence d’offre.

De multiples initiatives pour apporter de l’énergie à l’Afrique

Soutenues par des banques européennes en accompagnement de banques locales, les initiatives se multiplient pour apporter de l’énergie à cette partie du globe : l’Anglais Azuri fournit des systèmes solaires domestiques dans 11 pays à travers l’Afrique subsaharienne ; le programme Lumière pour tous, au Bénin, distribue aux écoliers des lampes solaires fabriquées par l’Américain D-Light et organise la vente à petit prix de picots solaires (panneau + lampe + port de recharge de portable) d’une autonomie de six heures, de marque Sunking ; dans ce pays où la saison sèche dure six mois, le Fonds Solar Electric Light (SELF) associe pompes solaires et irrigation en goutte à goutte de jardins maraîchers ; la start-up M-Kopa Solar, présente au Kenya, en Tanzanie et en Ouganda, permet d’acheter de l’énergie prépayée ; toujours au Kenya, l’entreprise californienne Powerhive utilise les microgrids (réseaux électriques de petite taille conçus pour fournir un approvisionnement électrique fiable et de meilleur qualité à un petit nombre de consommateurs). Quant au projet Noor de construction d’un parc solaire gigantesque à Ourzazate au Maroc, il est soutenu par la Banque africaine de développement, engagée elle aussi dans le projet Menengaï au Kenya, le plus grand programme géothermique d’Afrique.

Des plaques solaires contrôlées à distance

Les systèmes solaires domestiques installés par Mobisol (de 80 à 200 W, suivant les besoins des foyers) sont constitués de plaques solaires, reliées par un fil électrique à un contrôleur qui gère le chargement d’une batterie solaire. Celle-ci alimente des ampoules électriques et des appareils comme des réfrigérateurs, des ventilateurs, des chargeurs de téléphones, des radios ou des téléviseurs LED de 24 pouces, mis à disposition avec huit chaînes gratuites. Achetées en Chine, puis acheminées vers l’Afrique, les dalles photovoltaïques sont robustes et faciles à utiliser. Grâce à un boîtier jaune en plastique, de la taille d’un carton à chaussures, contenant la commande du système solaire et une carte de téléphonie mobile, chaque installation communique toutes les heures avec le siège berlinois de l’entreprise pour indiquer qu’elle fonctionne sans heurts et qu’elle fournit bien de l’électricité.

Mobisol finance elle-même ces systèmes solaires de haute qualité par un microcrédit à taux réduit (10 %). Les foyers doivent débourser l’équivalent mensuel de 20 dollars US, payables via téléphone mobile. Des paiements basés sur leur consommation en énergie fossile et qui s’échelonnent sur trente-six mois, au terme desquels le matériel leur appartient. Pendant ces trois ans, l’encadrement est gratuit, via une hot line dans la langue du pays. La réparation ou le remplacement du matériel défectueux sont garantis en quarante-huit heures.

Une logique d’empowerment des populations locales

« Nous donnons au foyer la responsabilité et la propriété du besoin fondamental qu’est l’électricité, insiste Thomas Duveau. En rechargeant les téléphones portables et les lampes solaires de leurs voisins, en vendant des boissons fraîches gardées dans leur frigo ou en  faisant fonctionner un cinéma de village, un tiers de nos clients génèrent des revenus réguliers à partir des systèmes Mobisol. »

Pour assurer sa qualité de service, la société allemande s’appuie sur 600 employés, dont 250 en Tanzanie et 110 au Rwanda, et sur 300 micro-entrepreneurs, dont un nombre important de femmes qui acquièrent ainsi leur indépendance. Techniciens confirmés, vendeurs ou jeunes sans emploi, sont tous formés à l’énergie solaire, gratuitement, sur place et au contact avec la clientèle. Depuis 2014, ce sont environ 800 personnes qui ont pu bénéficier ainsi des cursus qualifiants des académies Mobisol, être formés et, pour 70 % d’entre eux, obtenir un emploi.

Objectif pour 2020 : un million de foyers branchés

Près de 37 000 boîtiers jaunes ravitaillent désormais en énergie autant de foyers en Tanzanie et au Rwanda, soit 200 000 personnes. Des projets pilotes sont en train de voir le jour au Nigeria, en Zambie, en Ouganda et au Ghana. De même qu’en Inde, où Mobisol tente de comprendre quels sont les besoins en électricité de la petite agriculture de subsistance ; une agriculture vulnérable, confrontée aux changements climatiques et à la méconnaissance des prix du marché.

L’équipementier se donne pour objectif de brancher un million de foyers en 2020. Pour livrer des panneaux solaires à tous ses nouveaux clients potentiels, il développe un programme de drones qui pourraient se recharger sur le toit des foyers déjà équipés, contre rémunération ou réduction sur leurs propres factures.

L’entreprise a été récompensée par le Momentum for Change Award 2015, décerné à Paris lors de la COP21 par la CCNUCC (Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques). Certifiée B-Corp (Benefit corporation), la société Mobisol est désormais associée au programme Lighting Global, placé sous l’égide de la Banque mondiale.

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Données en plus

600 employés, 300 micro-entrepreneurs, 800 employés, 37 000 boîtiers, 200 000 bénéficiaires