L’Échappée, une passerelle pour escalader le handicap

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Séance « Handigrimpe » au gymnase Ladoumègue avec le club d’escalade Cimes 19, dans le XIXe arrondissement de Paris. En action : des personnes handicapées motrices ou atteintes de troubles autistiques, avec des personnes valides affublées d’un handicap (masque, gants de boxe, jambe bloquée).

L’Échappée-l’asso organise des séances d’escalade, gratuites et bénévoles, où personnes en situation de handicap et individus valides se mélangent : « Handigrimpe ». L’ambition de ces séances ? Un gain d’autonomie et de confiance pour les handicapés ; une perception accrue des problèmes d’accessibilité pour les autres. Courte présentation et interview de deux des fondatrices de cette association sportive.

Samedi 13 février 2016, 11  heures, mur d’escalade du gymnase Ladoumègue (XIXe arrondissement de Paris). Plus de monde que d’habitude, surtout près des tapis et au pied du petit mur de 7 mètres : des personnes atteintes de handicap moteur ou de troubles du spectre autistique, mais aussi des personnes valides, dont certaines grimpent en cordées les yeux bandés, les pieds entravés ou les mains dans un gant de boxe… « Nous pouvons tous nous retrouver en situation de handicap », expliquent Bénédicte Broglin et Julie Paquereau, membres fondatrices de cette Échappée belle. Issue du monde hospitalier, la toute jeune association – « moins d’un an » – organise des rencontres sportives, en particulier avec des clubs de la Fédération sportive et gymnique du travail (FSGT), ici en l’occurrence le club d’escalade du XIXe arrondissement (Cimes 19), entre personnes en situation de handicap et valides. Avec, en escalade, des séances intitulées « Handigrimpe », décrites par les deux fondatrices interviewées comme une excellente « passerelle » pour « l’accès de tous aux pratiques sportives ».

Solidarum : Comment, et pourquoi, est née votre initiative ?

Bénédicte Broglin et Julie Paquereau : L’Échappée-l’asso a été créée au début de 2015, par six personnes issues du monde du soin. Après un handicap acquis, la reprise d’une activité sportive est rare, par crainte de ne pas y arriver et de se retrouver seul dans une situation difficile. Une crainte partagée par les clubs et le grand public. L’objectif de l’association est de favoriser l’accès aux pratiques sportives pour tous : proposer aux personnes en situation de handicap de participer à des évènements sportifs conviviaux (ateliers découvertes, participations à des courses, etc.) et permettre aux personnes valides de se mettre en situation de handicap le temps de l’activité. Car nous pouvons tous nous retrouver à un moment donné en situation de handicap, à des degrés divers, et devoir mettre en place des stratégies pour contourner ce handicap et avancer malgré lui. L’association est donc ouverte à tous, adultes et enfants, en situation de handicap ou non ; elle accueille tout type de déficience : motrice, psychique, sensorielle… Nous essayons d’adapter les activités proposées à chacun de nos publics.

Quel est votre mode de fonctionnement ?

Les projets émergent des propositions des petits groupes qui pilotent chaque projet, mais aussi de tous les adhérents lors des collectifs d’animation. Certaines personnes en situation de handicap s’investissent concrètement dans l’organisation des évènements de l’Échappée-l’asso, alors que cela leur paraissait impossible il y a peu. Les actions de l’association se construisent au fil de nos expériences, des demandes et propositions des adhérents. Il s’agit d’une co-construction basée sur le partage d’expériences et l’échange de savoirs.

Quels sont les sports que vous privilégiez ?

Avant tout, les activités se pratiquant à plusieurs, et particulièrement en binôme où la mise en action et très vite la confiance réciproque permettent de diminuer les appréhensions, et de l’un et de l’autre.

L’escalade, au cœur des matinées Handigrimpe, est une activité très complète : motricité des quatre membres, exploration de l’espace, atteinte du sommet, confiance en soi, confiance dans l’assureur. Sans oublier le plaisir du jeu…

Nous avons également participé au Bike & Run de Paris, organisé par la Fédération française de triathlon, en octobre 2015. Pour préparer cette course, nous avions donc organisé des entraînements de course et de vélo. C’est un projet que nous allons reconduire pour l’édition 2016. Nous proposons régulièrement des ateliers « handicap et escalade » dans les clubs de la Fédération sportive et gymnique du travail. En outre, nous allons étendre nos activités à d’autres sports : une participation au « prémeeting » d’athlétisme de Vanves, une autre à la Journée des initiatives du sport populaire de la FSGT, et puis une course d’orientation.

Nous essayons de répondre aux souhaits des adhérents, mais nous nous heurtons à des difficultés d’organisation et d’accès à des structures, par exemple pour les activités natation ou aviron. C’est pourquoi nous souhaitons pouvoir exposer nos projets à certaines institutions publiques qui gèrent des équipements sportifs.

Quels sont les retours des participants ?

« Je n’étais plus remonté sur un vélo depuis longtemps… » ; « Je ne pensais pas que c’était possible! » ; « On remet ça l’année prochaine ?!! »… Les retours sont très bons ! Pour l’escalade, nous avons constaté une nette progression de certains participants : après deux ou trois rencontres handicap et escalade, espacées de six mois, ils sont plus à l’aise. Les gens qui viennent nous disent souvent que c’est la première fois qu’ils voient ce type d’actions. Ils en parlent autour d’eux et s’impliquent de plus en plus dans les propositions et l’organisation des activités.

Vous demandez que, à la rentrée 2016, les personnes atteintes d’un handicap intègrent le club d’escalade Cimes 19 comme n’importe quel sportif. Pas de restrictions ni de précautions particulières à prendre ?

Seul un certificat médical de non-contre-indication est nécessaire, mais des restrictions peuvent y figurer. L’objectif est la pratique partagée pour tous, sans distinction ni « filière cloisonnée ». Nous essayons d’adapter les offres pour que chacun puisse participer, mais c’est avant tout aux structures d’accueil de s’adapter ! Notre souhait est que les personnes, après avoir participé à des ateliers ou événements, s’inscrivent de leur propre initiative et soient accueillies dans des clubs ou autres organisations de façon autonome, comme une personne « lambda ».