Créé en 2013 dans la plus grande favela de Rio de Janeiro, Fala Roça (« Les mots de la Rocinha ») est un trimestriel gratuit, qui aborde avec humour les problèmes sociaux de la communauté nordestine, débarquée ici depuis des générations. Diffusé sur le Net et sur papier, il est conçu de A à Z par trois jeunes étudiants bénévoles. Est-ce de la solidarité sociale ? Par sa gratuité, pour répondre au manque d’information dans la favela, et grâce aux histoires qu’il raconte et qui racontent les habitants de la favela, mille fois oui.
Antonio
L’artère principale de la Rocinha, longtemps considérée comme la plus grande favela d’Amérique latine. Comme l’expliquent les trois jeunes fondateurs du journal : « Dans les années 1950, il y a eu une très forte migration de gens venus du Nordeste dans la Rocinha. Si vous marchez dans la favela aujourd’hui, vous allez sûrement demander à quelqu’un d’où il vient. Il vous répondra : “Ah, je suis du Ceará, ou de Rio Grande do Norte…” 80% de la population de la Rocinha est d’origine nordestine. »
Antonio
Michel Silva, 22 ans, étudiant en communication sociale. Né à Rio de Janeiro de parents nordestins, il habite la Rocinha et en connaît les moindres recoins. Fondateur du journal et excellent photographe, il s’occupe particulièrement du site Falaroca.com et des réseaux sociaux. « Arretado est une expression nordestine qui désigne quelqu’un de très drôle, de très joyeux, un peu dingue, qui mène sa vie comme il peut. C’est ça Fala Roça : un journal construit avec peu de moyens, à l’aide de bénévoles. Oui, Fala Roça est bien le journal le plus“ arretado” de Rio de Janeiro ».
Antonio
Beatriz Calado, 22 ans, journaliste et habitante de la Rocinha. Responsable de l’édition pour la version papier et secrétaire de rédaction, elle publie des reportages et s’occupe de photographier certains sujets. « On se retrouve dans la rue, à la pizzeria, partout où l’on peut fabriquer le journal. Nous avons chacun notre ordinateur et nous réglons beaucoup de choses par Internet. »
Antonio
Michele Silva, 27 ans, publicitaire et habitante de la Rocinha, en charge de la coordination du journal, de la répartition des tâches, de l’évaluation des besoins financiers et de l’organisation de l’équipe : « Nous pensons que l’information est un bien. Beaucoup de gens n’y ont pas accès, bien qu’elle soit gratuite, à la portée de tous. Nous prenons cette information afin de la passer à quelqu’un d’autre, qui, assurément, va la transmettre à son tour à d’autres. Ainsi, nous pouvons créer un réseau, avec une information de qualité, une information locale qui aura un réel impact sur votre vie. »
Antonio
Fala Roça est l’un des seuls journaux communautaires qui aborde la question nordestine dans la favela. « Notre journal est tiré à 5000 exemplaires, dont nous assurons nous-mêmes la distribution, en faisant du porte à porte. Nous ne distribuons pas le journal aux plus jeunes, qui peuvent le lire sur Internet. »
Antonio
« Tout ce que nous écrivons, c’est ce dont les habitants nous parlent. Un des sujets qui revient le plus fréquemment, c’est la question des égouts. À la Rocinha, c’est un problème critique, historique, cela fait 50 ans que ça dure et le gouvernement n’a toujours pas trouvé de solution. »
Antonio
« Dans la rue, nous ne distribuons pas le journal aux gens qui passent, parce qu’il y a de forte chance pour qu’ils le jettent. Nous discutons avec ceux qui sont chez eux ou devant chez eux et c’est à ce moment-là que nous avons un contact direct avec eux. Nous écoutons leurs histoires et de celles-ci nous tirons des idées de sujets pour les prochaines éditions. »
Antonio
« Tous ceux avec qui nous nous arrêtons pour discuter ont des histoires à raconter, souvent d’une extrême richesse. En général, ce sont des personnes plus âgées. Les anciens ont une foule de souvenirs qu’ils n’ont jamais raconté à personne. Voilà ce que nous aimons publier : des choses que personne ne connaît. »
Antonio
« Parfois, c’est un véritable défi : voilà trois mois que nous essayons de faire un article sur une personne qui était maître nageur et qui, dans les années 1970, sur la plage de São Conrado, a sauvé la vie de quelqu’un de très important, le fils d’un Président, je crois. Nous avons un mal fou à connaître l’histoire exacte, parce que cette personne très âgée a du mal à se raconter. Son fils nous aide à recoller les morceaux, au fur et à mesure, pour pouvoir publier cet épisode de la vie de la Rocinha, un jour, en entier. »
Antonio
« Le journal contribue également à résoudre de nombreuses questions, principalement celles liées à l’économie locale. Par exemple, nous avons raconté l’histoire d’un habitant qui vend des bonbons à travers la Rocinha. Une semaine plus tard, il est venu nous dire qu’il avait trouvé du travail grâce à notre article. »
Antonio
« Être Nordestin dans la Rocinha, c’est être un guerrier ; c’est réussir à vaincre son destin, à construire sa vie dans une ville, après avoir fui la misère et la sécheresse ; c’est montrer que j’existe, que je peux m’exprimer. Car le Nordestin, la plupart du temps, n’a aucune condition sociale. Quand il émigre à Rio, c’est pour y trouver du travail, ou pour vivre une vie meilleure. Le Nordestin est une figure essentielle, non seulement dans la Rocinha, mais dans la construction de la ville de Rio de Janeiro. »
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Le journal Fala Roça est tiré à 5000 exemplaires
150 000 habitants à la favela Rocinha.
Publication / Mise à jour : 22.11.2016