Depuis le début des années 2000, deux associations de cirque « adapté » proposent en France et à l’étranger de nombreux ateliers à des personnes en situation de fragilité.
« Plus que le "cirque", dans le concept défini par l’AFCA (Association française de cirque adapté), c’est le terme "adapté" que je retiens dans la mesure où le bénéfice des ateliers peut s’appliquer à n’importe quel public », indique Charles Casanova, directeur du Serious Road Trip à Nantes, qui rappelle les objectifs de ce cirque, pas vraiment comme les autres.« Sont étudiés et appliqués tous les facteurs favorisant la découverte, le dépassement de soi, la recherche d’une image positive favorisant ainsi la remobilisation, la rencontre avec l’autre, l’intégration. » En clair, plus que de réjouissances ou de performances, les enjeux sont ici d’aider les personnes en difficulté par le biais des arts du cirque et de la rue.
Enfants polyhandicapés et fils de demandeurs d’asile
La preuve par l’exemple : début 2016, un stage organisé par cette association de cirque social regroupait des enfants et personnes en situation de handicap. Les uns apprenant des autres. Et ce n’est pas le seul type de rencontre. Depuis 2012, The Serious Road Trip (TSRT) travaille avec un centre d’accueil des réfugiés (CPH) sur le projet baptisé « Terre de Cirk ». Cette fois, ce sont les enfants des demandeurs d’asiles hébergés dans les centres d’accueil en Franche-Comté qui entrent en piste. Jonglerie, équilibre, acrobaties, clownerie, corde, trapèzes… Les techniques sont aussi diverses que les publics touchés par ce cirque d’un nouveau type.
L’histoire du Serious Road Trip commence en Angleterre dans les années 1990 : un bus à impériale londonnien doit rejoindre la Nouvelle-Zélande en s’arrêtant dans les lieux défavorisés du monde pour donner des spectacles circassiens. Pour cause de guerre, le voyage s’arrête à Sarajevo, mais le projet se transforme en convoi humanitaire. De retour d’une mission en Bosnie, l’un des membres français décide de fonder en 2003 la « french connection » du Serious Road Trip. Aujourd’hui, l’association compte une trentaine de circassiens français, regroupés à Nantes et à Besançon». Chacun a sa spécificité : la connexion nantaise se consacre aux ateliers de cirque adapté, qu’elle pratique avec des polyhandicapés et des enfants en difficulté sociale ; quant à Besançon, il s’agit surtout d’actions à l’étranger.
Ateliers de proximité et actions à l’étranger
De plus en plus demandés – en 2015, plus de 200 ateliers ont été animés par le TSRT nantais –, les ateliers de cirque adapté offrent un moyen aux personnes en difficulté de s’extraire de leur état. Il s’agit de poursuivre trois objectifs : socio-éducatif, thérapeutique et ludique. Le but est de travailler collectivement, en contribuant à l’amélioration des capacités motrices des bénéficiaires. Mais aussi à leur psychologie : chacun se sent valorisé grâce à un travail qui combine perséverance et ajustement, répétition et créativité. Le temps demeure un facteur fondamental pour la réussite d’un tel projet et c’est pourquoi les ateliers visant le public « handicapé » qui se déroulaient sur une seule journée se poursuivent désormais sur l’année en partenariat avec des instituts (ESAT, Instituts médico-éducatifs…).
De son côté, le TSRT de Besançon mène nombre d’actions à l’étranger (Roumanie, Palestine, Liban, Turquie…). Le dernier voyage a conduit des membres de l’équipe à Mardin, en Turquie, où ils ont animé des ateliers avec des enfants kurdes et des enfants réfugiés syriens. Ce projet « ça Sirk à Mardin » a débuté en 2013. Là encore, l’inscription du projet dans la durée est une donnée essentielle, afin de pérenniser les actions mises en place. À chaque fois, l’objectif est de revenir plusieurs années de suite et de veiller à former des animateurs et éducateurs sur place et à laisser du matériel. Une école de cirque a ainsi été créée à Timisoara, suite au passage fréquent du Serious Road Trip en Roumanie.
Plaisirs partagés et charte éthique
Que ce soit en France ou à l’étranger, la démarche reste la même : aider des enfants en difficulté, soumis à la guerre ou souffrant de discrimination, et des personnes en situation de handicap, en leur faisant découvrir les arts du cirque. Juste – et ce n’est pas rien – histoire de répondre au besoin apparemment frivole, mais finalement très sérieux, de permettre à toute personne qui en est privée d’exprimer sa joie de vivre. Un rêve atteignable, mais pas à n’importe quel prix. Sur son blog, un long paragraphe décrit par le menu « l’éthique » de cette association.
Dans cette charte, qui indique le cap et fournit le cadre général, on peut lire ce paragraphe sur leurs sources de financement : « Nous sommes en accord avec le fait que le développement de nos projets passe, la plupart du temps, par des apports financiers extérieurs. L’autosubventionnement est un but vers lequel nous aimerions tendre, mais nos apports personnels ne peuvent aujourd’hui pas suffire pour financer à eux seuls nos projets à l’étranger. L’association se doit d’être attentive et prudente sur les personnes, les institutions d’État, les fondations et entreprises privées qui interviennent à ce niveau. En effet, aucun projet ne pourra être mis en place s’il sert des enjeux qui ne sont pas en accord avec les principes de l’association, énoncés plus haut. La publicité et la communication d’entreprise ne peuvent être source de conditions pour la réalisation d’un projet, le TSRT doit en priorité développer ses actions et non servir des intérêts qui le dépassent. »
Données en plus
En 2015, plus de 200 ateliers ont été animés par le TSRT nantais. De son côté, le TSRT de Besançon mène des dizaines d’actions à l’étranger (Roumanie, Palestine, Liban, Turquie…).