Si le vélo en bambou fut prototypé dès 1894, il a trouvé un nouveau ressort dans les campagnes du Ghana. C’est là qu’est née dans la tête d’une jeune étudiante la Bamboo Bike Initiative, dont les résultats réduisent la facture écologique des transports et amortissent la fracture sociologique de l’emploi.
Au Ghana, sur les routes de campagne, un nouveau moyen de transport a fait son apparition : le vélo en bambou. Plus robuste et durable que son homologue de fer importé, il a le mérite d’être produit avec une ressource disponible sur place, en particulier dans les zones rurales que les jeunes quittent pour « se chercher » en ville, faute d’emploi chez eux. Car c’est bien pour tenter de remédier au chômage des jeunes et à l’exode rural qu’une jeune femme, alors encore étudiante, a décidé en 2009 de lancer la Bamboo Bike Initiative.
En s’inspirant de modèles déjà mis au point ailleurs (le premier vélo de bambou a été exposé à Londres en 1894, avant de sombrer dans l’oubli), Bernice Dapaah a développé son propre prototype adapté aux besoins et surtout aux moyens locaux. Le bambou ne manquant pas, l’ingénieuse a choisi de former en priorité des jeunes femmes pour constituer le premier atelier de production. Elles qui n’avaient pas eu la possibilité d’aller loin à l’école ont reçu 200 heures de formation avant que leurs premiers vélos ne voient le jour !
De la fabrication à la commercialisation, un cycle vertueux
Découpe du bambou, assemblage des pièces du cadre au moyen de résine et de sisal (une fibre organique), finitions, décoration, puis ajout des pièces importées ou récupérées (roues, chaîne), cet atelier de formation/construction permet aux jeunes de pouvoir ensuite ouvrir leur propre atelier. Lequel fournit les cadres de vélo à Ghana Bamboo Bike, qui assemble les pièces restantes et commercialise les vélos. Ils se vendent sur place mais aussi à l’international où des cyclistes se sont entichés de ses formes originales.
Le vélo de bambou a bonne presse, puisque sa fabrication génère 70 % d’émissions de gaz carbonique en moins qu’un vélo de métal, et qu’il encourage la culture du bambou. Ce dernier a aussi l’avantage de freiner l’érosion des sols et d’offrir des puits d’oxygène qu’il dispense généreusement autour de lui (30% de plus que les arbres environnants). Récompensé par plusieurs prix, exhibé en novembre 2013 par Ban Ki Moon lors de la conférence de Varsovie (dont l’objet était encore une fois le réchauffement climatique), le bamboo bike du Ghana a fait parler de lui pour ses atouts écologiques. Mais c’est bien le social qui intéresse Bernice Dapaah et les deux amies avec lesquelles elle a démarré le projet.
Un modèle alternatif pour freiner l’exode rural
Six ans après sa création à Kumasi, dans le Sud du pays, Ghana Bamboo Bike fait travailler 35 personnes : 25 constructeurs de bicyclettes, et 10 agriculteurs qui plantent, coupent et fournissent le bambou brut. Plus au Nord, l’entreprise sociale s’apprête à ouvrir deux nouveaux ateliers au voisinage des villes minières de Ntotroso et d’Afrisipa. Dans ces localités, le manque de perspectives pousse les jeunes à se jeter à corps perdus dans l’exploitation sauvage de l’or, qui, bien souvent, fait d’eux des damnés de la terre à la merci des « patrons » qui contrôlent l’accès des sites illégaux. Montés en partenariat avec l’un des grands groupes miniers installés sur place, ces deux ateliers devraient fournir une alternative à une cinquantaine de jeunes. A terme, pour Bernice Dapaah, il s’agit de multiplier les formations et du même coup les ateliers, si possible aux quatre coins du pays.
L’objectif de cette entreprise à vocation sociale n’est pas seulement d’offrir formation et emplois sur place, c’est aussi d’améliorer les conditions de vie des populations. 10% des vélos fabriqués sont en effet offerts à des enfants vivant dans des villages reculés, pour leur permettre de parcourir plus rapidement les quelques kilomètres qui les séparent de l’école. En collaboration avec l’université de Santa Clara (Californie), Ghana Bamboo Bike a même récemment équipé ces vélos d’un mini-panneau solaire qui recharge une batterie amovible, laquelle alimente une lampe qui permet d’éclairer le foyer de ces écoliers, une fois rentrés dans leur village sans électricité. D’autres idées sont à l’étude, comme la mise au point de remorques pour équiper les vélos des agriculteurs et ainsi faciliter le transport de leurs produits des champs au marché… Au fond, cette initiative pousse aussi bien que le bambou dont elle se sert. Comme le bambou fixe les sols, elle aide à maintenir les jeunes ruraux dans leur terroir. Comme le bambou, elle leur fournit un supplément d’oxygène.
Données en plus
Six ans après sa création à Kumasi, dans le Sud du pays, Ghana Bamboo Bike fait travailler 35 personnes : 25 constructeurs de bicyclettes, et 10 agriculteurs qui plantent, coupent et fournissent le bambou brut.