Depuis 2014, dans l’ex-Nord-Pas-de-Calais, les garages solidaires du Hainaut œuvrent pour la mobilité inclusive. À Denain et Anzin, ils proposent des réparations automobiles à une population en grande précarité, qui n’aurait pas les moyens de payer la prestation d’un établissement classique. En parallèle, ils forment au métier de mécano des personnes très éloignées de l’emploi. Les garages solidaires du Hainaut fonctionnent grâce à une mécanique humaine bien huilée.
« Notre entreprise recrute. Permis de conduire et véhicule exigés » : combien de personnes n’ont-elles pu répondre à une telle annonce, faute de mobilité ? C’est pour remédier à cette situation que l’association Convergences Plurielles, elle-même émanation de l’association de mobilisation sociale et politique de Valenciennes Actions citoyennes, a fondé à Anzin en 2014, puis à Denain en 2015, les garages solidaires du Hainaut. Dirigée par Soufiane Iquioussen, Annass Rifki et Nejma Lazreg, cette organisation du bassin de Valenciennes se veut un outil d’insertion par l’activité économique. Permettant à un public en grande précarité de faire réparer son véhicule à bas prix, elle est également un chantier d’insertion et de qualification de personnes en recherche d’emploi.
Être mobile pour trouver un emploi
Le budget d’entretien d’une voiture s’élève en moyenne à près de 800 euros par an (selon l’association Automobile Club). Cette dépense va croissant à mesure que la voiture vieillit, et s’avère pour beaucoup un vrai handicap. Les personnes à faibles revenus renoncent en effet souvent à faire réparer leur véhicule. La conséquence ne se fait pas attendre : d’après Soufiane Iquioussen, « une personne sur deux ne décroche pas un emploi, faute de mobilité ». Les garages solidaires du Hainaut se sont donc saisis du problème, proposant un tarif horaire trois fois moins cher que les 60 euros demandés dans un garage traditionnel. Une aubaine pour ceux que Coraline Boutry, chargée de relations à Convergence Plurielles, qualifie « de bénéficiaires plutôt que de clients ». L’accès au service s’établit en effet sur des critères sociaux. Une prescription d’un organisme partenaire (Mission locale, référents RSA, Cap emploi, Pôle emploi, etc.) est indispensable pour accéder aux garages solidaires.
Un vrai service social pratiquant la philosophie du partage
À ce jour, 850 personnes, allocataires des minima sociaux ou percevant des revenus inférieurs au SMIC ont bénéficié de ces prix modiques. En 2016, le nombre de visiteurs hebdomadaires oscille entre 15 et 20 personnes. Une moyenne à laquelle il faut ajouter les réparateurs occasionnels. Pour les plus motivés, les garages solidaires du Hainaut permettent en effet de faire des économies d’une autre façon : ils utilisent le garage pour réparer eux-mêmes leur véhicule, mais en apportant les pièces nécessaires. Le mécano occasionnel est guidé par des professionnels. Une manière simple d’acquérir les rudiments de mécanique automobile sans se ruiner.
Trois quarts des salariés en insertion retrouvent ensuite un emploi
Si les prix sont bas, les services proposés sont en revanche de même qualité que partout ailleurs, grâce à des prestations délivrées par des ouvriers polyvalents en mécanique automobile. Ces 16 salariés bénéficient d’un Contrat à durée déterminée d’Insertion (CDDI) de six mois, renouvelable trois fois. Acceptés sur des critères sociaux, 60 % touchent le RSA ; ils sont surtout sélectionnés d’après leur motivation et leur projet professionnel solide. « En tant que chantier d’insertion, nous devons atteindre un objectif de 60 % de sorties positives pour nos apprentis. Ce qui explique la sélection initiale et l’exigence de qualité », explique Coraline Boutry.
Les résultats sont probants. Un accompagnement personnalisé a donc été mis en place, avec un encadrant technique, faisant office de chef d’atelier, et une conseillère en insertion qui accompagnent les apprentis mécanos tout au long de leur cursus. 75% des salariés en insertion retrouvent au final le chemin de l’emploi après un parcours moyen de dix-huit mois au sein du garage. Ce mode de réinsertion a, en revanche, une limite : fort de son objectif de 60% de sorties positives, il ne s’adresse qu’à des personnes ayant un projet professionnel, pouvant conduire et ayant une voiture ; cela exclue de facto pas mal des personnes les plus éloignées de l’emploi et les moins à même de décrocher une qualification solide.
Le financement des garages : une mécanique bien rodée
Le bon niveau du service proposé par les garages solidaires a séduit les marques automobiles et les fournisseurs de pièces détachées. Grâce à leur statut associatif, ces garages ont pu bénéficier d’infrastructures gratuites, comme les ponts élévateurs, des pneumatiques Michelin ou des pièces données par Norauto. Coraline Boutry s’en félicite : « Nous avons créé des partenariats solides avec nos fournisseurs qui partagent notre objet social et nous permettent d’obtenir des pièces à des prix accessibles. » Une manière d’alléger un budget serré.
Si la création d’un garage solidaire n’oscille qu’entre 40 000 et 50 000 euros, la gestion annuelle se monte à 700 000 euros. Les financements et aides diverses sont donc les bienvenus. Ce dispositif des garages solidaires du Hainaut s’appuie pour le moment sur les subventions publiques via la Direccte (direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi) et le conseil départemental. Un revenu complété par les donations et contributions solidaires fournies par les organismes partenaires telles que les Fondations PSA ou Norauto. L’association Convergences Plurielles a néanmoins mis en place une recherche intense de financement, notamment via des réponses d’appels à projet dans le cadre de l’insertion par l’activité économique ou dans le cadre de la mobilité. Soufiane Iquioussen a, par exemple, été lauréat national du programme Impact Nord d’Ashoka, en 2016.
L’ambition d’un essaimage dans toute la France
« Nous souhaitons développer l’essaimage du concept sur les territoires identifiés comme prioritaires », espère aujourd’hui Coraline Boutry. Sofiane Iquioussen affiche quant à lui son ambition d’ouvrir son réseau à 200 garages dans toute la France. De quoi alimenter l’écosystème solidaire dédié à la mobilité et à l’emploi.
Données en plus
Dans un garage solidaire, un client paie en moyenne à l’année 110 euros de main-d’œuvre. Dans un garage classique, cela lui coûterait 300 euros.