Des Parisiens aux petits soins pour leurs aînés

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Pour briser l’isolement des aînés vivant dans la capitale, Paris en compagnie les met en relation avec des bénévoles qui les accompagnent dans leurs sorties. Comme Liliane et Marie-Line, rencontrées lors d’une balade aux Buttes-Chaumont.

Marie-Line et Liliane ne se connaissent que depuis quelques semaines, mais à les voir échanger avec entrain, on jurerait qu’elles ont une longue histoire partagée. Les deux femmes se sont rencontrées par l’intermédiaire de l’association Paris en compagnie, qui met en relation des seniors avec des personnes disponibles pour les accompagner dans leurs sorties. Non-voyante, Liliane, 70 ans, réside dans le XIXe arrondissement depuis près de trente ans. Marie-Line, 39 ans, habite dans le quartier de la Porte Maillot, non loin de l’hôtel où elle travaille comme réceptionniste. Pour leur quatrième sortie, les deux femmes se sont accordées pour un tour au parc des Buttes-Chaumont, à environ quinze minutes de marche de chez Liliane.

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Les deux femmes se retrouvent pour un café en terrasse en bas de l’immeuble de Liliane. Cette pizzeria est un peu le quartier général de la septuagénaire : ici tout le monde la connaît. C’est par le biais de la gazette du XIXe que Liliane a pris connaissance du dispositif Paris en compagnie. Celle qui se décrit comme ayant un tempérament actif reconnaît cependant trouver le temps long durant le confinement. « Avoir la compagnie de Marie-Line et pouvoir discuter avec elle est un vrai soutien moral », insiste Liliane. En un mois, elles ont déjà trois sorties et un pique-nique à leur actif. Une sortie au cinéma est prévue, « dans des salles équipées de l’audio description ».

« Lors de notre première rencontre, j’avais un peu d’appréhension sur ce que j’allais dire ou faire, se rappelle de son côté la bénévole. Quand j’ai découvert que Liliane était non-voyante, j’avais aussi beaucoup d’interrogations sur son quotidien, comme par exemple sur sa façon de se repérer dans la rue. » Désormais, Marie-Line apparaît très à son aise pour guider son amie dans la rue et lui éviter les obstacles. Elle n’hésite pas à lui décrire ce qu’elle voit. « Cette expérience m’a donné confiance en moi pour aller vers l’inconnu. »

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Nesma Hatem, la coordinatrice de Paris en compagnie (à gauche sur la photo) est venue rencontrer les deux femmes. Ce dispositif a été initié en janvier 2019 par la ville de Paris et mis en place par trois associations et acteurs forts de la solidarité : Les Petits frères des pauvres, Autonomie Saint-Jacques et Lulu dans ma rue. Il vise à rompre l’isolement des seniors de la capitale, en les mettant en contact avec des bénévoles (l’association parle de « citoyens engagés ») pour leurs sorties : courses, démarches administratives, visites médicales, balades dans leur quartier, etc. « Pour maintenir le lien pendant le confinement, nous avons mis en place des appels de convivialité qui ont eu beaucoup de succès », témoigne Nesma. Le confinement a suscité une forte mobilisation avec plusieurs centaines de nouveaux bénévoles, dont une majorité de jeunes. Il y a eu cinq mille appels et beaucoup de nouveaux binômes aîné/bénévole se sont constitués à cette occasion.

Le système est très souple : les bénévoles ont accès aux demandes des aînés par le biais d’une application, et peuvent s’engager de façon très autonome, en fonction de leur disponibilité. Certains choisissent des accompagnements ponctuels, d’autres s’engagent plus sur la durée en créant un binôme avec une personne âgée. Celles-ci peuvent faire leur demande en ligne ou par téléphone. Une ligne téléphonique permet en effet d’être en lien avec les équipes de Paris en compagnie six jours sur sept. Depuis la création du dispositif, 3 500 sorties ont été organisées au profit de 1 200 seniors. Les Parisiens ont largement répondu à l’appel : ils sont 2000 bénévoles recensés par l’association.

Avec le confinement, Marie-Line la bénévole s’est retrouvée soudainement en chômage partiel. Elle a pris conscience que les relations humaines, au cœur de son activité professionnelle, lui manquaient. Ce constat l’a décidée à franchir le pas pour s’engager auprès des autres. Marie-Line a apprécié la grande réactivité de Paris en compagnie, qu’elle a découvert en faisant des recherches sur le Net.  

Pour recruter de nouveaux bénévoles durant le confinement, l’association a été très active. Elle a distribué des flyers et a communiqué largement sur les réseaux sociaux, afin de toucher des personnes plus jeunes. Inscrite fin juin, Marie-Line s’est vu proposer rapidement une courte formation en visioconférence, pour lui présenter le dispositif et son fonctionnement et lui enseigner quelques éléments clés sur le public des ainés. La bénévole a dû aussi signer la charte du citoyen engagé qui reprend les valeurs de l’association. « Avant de me lancer, j’étais enfermée dans la routine du métro-boulot-dodo, témoigne-t-elle. Je pensais ne pas avoir le temps ni l’énergie pour aller vers les autres. » Les heures passées aux côtés de Liliane sont aussi une façon de rompre sa propre solitude. À l’exception de quelques amies, et bien qu’elle vive à Paris depuis treize ans, Marie-Line avoue se sentir parfois un peu isolée.

La promenade aux Buttes Chaumont est l’occasion de discuter à bâtons rompus. Marie-Line évoque les préparatifs d’un prochain Rougail saucisses, plat de son île natale de la Réunion qu’elle doit préparer prochainement pour une amie. Intarissable, la bénévole enchaîne sur les préparatifs d’une course à pieds, la Color run, pour laquelle elle s’entraîne trois fois par semaine. « On partage sur notre quotidien, on se fait de petites confidences », commente la quadragénaire de sa voix fluette. « Et puis j’apprécie beaucoup l’humour de Liliane ! » Dans cette relation amicale, Marie-Line explique qu’elle retrouve un peu de la complicité qu’elle a connue avec sa grand-mère, avec laquelle elle a grandi.

La jeune femme, qui a aussi échangé par téléphone avec d’autres seniors durant le confinement, se dit frappée par leur volonté et leur énergie. « Je suis très admirative de Liliane et de son courage. » L’intéressée préfère quant à elle parler de volonté : « Mes parents ne m’ont pas fait de cadeau et j’ai dû apprendre à me débrouiller. » Quelques heures en sa compagnie permettent effectivement de mesurer l’ouverture aux autres de Liliane, sa curiosité, son envie de discuter et de rencontrer de nouvelles personnes. « J’espère avoir autant d’énergie, d’humour et de joie de vivre dans mes vieux jours », lui rétorque la cadette.  Et de s’enflammer : « A chaque fois, je repars de mes visites très ressourcée, en ayant fait le plein d’énergie. ». Avant de conclure : « Chapeau les aînés ! »

En savoir plus

Données en plus

Créé en janvier 2019, le dispositif est accessible gratuitement à tous les ainés de plus de 65 ans, qui souhaitent être accompagnés dans leurs déplacements de proximité.

L’association compte 2000 bénévoles, pour 1200 aînés. Elle a organisé depuis sa création 3 500 sorties (loisirs, sorties médicales ou administratives), et fait 10 000 « appels de convivialité » (dont 5000 appels passés durant le confinement). Des événements sont organisés régulièrement : petits déjeuners, apéros festifs, atelier de couture, de cuisine, etc.

Paris compte aujourd’hui plus de 470 000 personnes âgées de plus de 60 ans dont 37% vivent seules à leur domicile.

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