Aux Pays-Bas, De Hogeweyk est un centre dédié aux malades d’Alzheimer unique au monde : l’ayant conçu en véritable village, les responsables ont fait le pari d’offrir aux résidents une liberté inédite pour qu’ils puissent mener une vie presque « normale ».
À quelques kilomètres d’Amsterdam, le « village » De Hogeweyk accueille depuis 2009 des résidents atteints de démence sévère, que la maladie rend dépendants. Contrairement à la plupart des institutions traditionnelles, ils sont libres d’aller où ils veulent et de choisir ce qui leur plaît. Ils sont aujourd’hui 169 résidents, âgés en moyenne de 85 ans, à cohabiter dans ce site unique au monde.
Comme dans n’importe quel village, on trouve à De Hogeweyk café, coiffeur, supermarché ou restaurant. Les résidents déambulent à leur gré à l’intérieur du village, uniquement clôturé par une porte d’entrée vitrée, surveillée 24 heures sur 24. Les 200 employés et 120 bénévoles qui animent le quotidien de De Hogeweyk assument une même responsabilité collective. Tous sont formés aux différentes formes de démence dont souffrent les résidents, afin de pouvoir intervenir en cas de besoin.
Voici 25 ans, sur ce même emplacement était érigé un centre médical classique dédié aux mêmes pathologies : les patients étaient alors confinés dans des chambres individuelles, impersonnelles et sécurisées, face à des blouses blanches et dans une atmosphère d’hôpital souvent angoissante. « Ce n’est pas ce que nous voudrions pour nous-mêmes ou nos parents », se sont dit les responsables de l’époque.
En observant les patients, en écoutant familles et employés, les dirigeants ont imaginé un nouveau projet « basé avant tout sur le bon sens », explique Iris van Slooten, consultante pour la fondation en charge de la gestion du village (The Hogeweyk Care Concept), qui appartient au groupe d’assurance Vivium. De Hogeweyk est très souvent la dernière demeure pour ces résidents, et l’ambition est de leur faire vivre une « vie qui soit la plus normale possible », souligne Iris van Slooten.
Les 27 maisonnettes de De Hogeweyk ont été conçues selon quatre univers différents en fonction du style de vie des résidents avant leur entrée au village : traditionnel, urbain, bourgeois ou culturel. Décoration intérieure, type de nourriture, horaires de lever et de coucher ou interactions avec le personnel : tout est adapté en fonction d’un questionnaire détaillé rempli par les proches avant leur admission, bien utile quand on sait que la perte de repères peut fortement déstabiliser ces malades.
Les résidents sont logés par six ou sept dans chaque habitation. Ils participent aux tâches quotidiennes en aidant à préparer les repas ou en allant au supermarché avec l’auxiliaire de vie, présente du matin au soir. « Ce sont les mêmes personnes aujourd’hui comme hier, indique Iris Van Slooten. L’important est qu’ils continuent à vivre dans des environnements familiers. »
Chaque semaine, de multiples activités sont proposées aux résidents : ateliers de tricot, de musique, de jardinage, de danse, sans compter l’incontournable bingo. « Il est nécessaire pour les résidents de garder une vie sociale, c’est ce qui manque cruellement aujourd’hui dans les institutions traditionnelles », argue Iris Van Slooten. Autre avantage : ces loisirs sont tous proposés en dehors des habitats, pour inciter à sortir et être actif.
Grâce à ces activités groupées et à la location de certains espaces à des entreprises, le coût pour vivre à De Hogeweyk ne dépasse pas celui d’une institution traditionnelle. L’accueil de publics de tous niveaux de revenus est par ailleurs assuré grâce à un système de solidarité géré par l’État néerlandais. Chaque résident débourse selon ses moyens de 160 € et 2300 € par mois pour un forfait tout compris : logement, soins, nourriture, etc., hors activités annexes et restaurant, où ils peuvent se rendre avec leurs proches.
Des écoliers du quartier viennent régulièrement participer à des activités avec les résidents du village. « Nous souhaitons ouvrir de plus en plus ce lieu dans une logique d’inclusion sociale », confirme Iris Van Slooten. Entreprises et voisins peuvent aussi accéder au restaurant ou à la salle de spectacle. À terme, les dirigeants souhaiteraient implanter une crèche et des logements privés, dans un objectif de mixité intergénérationnelle. Ils accompagnent également des initiatives similaires en Suisse, en Australie, en Nouvelle-Zélande et en France : un projet identique devrait voir le jour en 2020 à Dax, dans les Landes, pour 120 résidents.
Données en plus
De Hogeweyk compte 169 résidents âgés en moyenne de 85 ans.
Il a été ouvert sous sa forme de « village » en 2009, avec 200 employés et 120 bénévoles
Outre les boutiques, commerces, cafés ou salles, il compte 27 maisonnettes, où habitent six ou sept résidents en moyenne.
L’accueil de publics de tous niveaux de revenus est assuré grâce à un système de solidarité géré par l’État néerlandais. Chaque résident débourse selon ses moyens, via ses retraites, de 160 € à 2300 € par mois pour un forfait tout compris, hors activités annexes et restaurant – dont les recettes augmentent les moyens du projet. L’État reverse au village une somme forfaitaire par personne et par jour. La majorité du budget annuel de fonctionnement, de l’ordre de 17 millions d’euros, est donc couvert par l’administration néerlandaise, qui a soutenu le projet à son lancement. Pour construire ce village d’un coût total de 19 millions d’euros, l’État a financé les intérêts de l'important prêt bancaire, allégé par une aide de 2 millions d’euros provenant du mécénat.