Siga-Siga : donner pour redonner leur valeur aux objets

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Ici, le don, anonyme, n’inclut aucune contrepartie. Nul besoin d'apporter un objet pour en emporter un autre.

Tout autant que le don, c’est une autre relation à la valeur de tout objet que valorise La Boutique sans argent.

« La générosité est contagieuse », voilà le credo de Debora Fischkandl, qui a fondé l'association La Boutique sans argent et ouvert à l’été 2015, à Paris, le premier espace parisien de dons entre particuliers. Vaisselle, jouets, livres, DVD et surtout vêtements : au Siga-Siga, installé dans un coin du hall qu’occupe la Maison des associations dans l’ancienne gare de Reuilly (75012), tout coûte zéro euro. Mais plus que sur la gratuité, ici on préfère insister sur la notion de don.

La boutique ne désemplit pas : personnes en situation de précarité et d’autres plus aisées, mères de famille et primo-arrivants, il n’y a pas de règle quant à la clientèle. « Il y a aussi bien des gens du quartier que des habitants de banlieue », assure Julie Hebting, l’une des autres cofondatrices de l’association. La Boutique sans argent – association qui compte trois salariées, et dix fois plus de bénévoles – envisage de se développer peu à peu grâce à des financements croisés : privé via des mécènes, participatif via le crowdfunding, public via la région.

Culture du don et zones de gratuité

La fréquentation est telle que l’on n'a le droit qu'à 20 minutes et 5 objets par personne… Après, il faut payer. Près de 1 000 objets changeraient de mains chaque jour dans les quelque vingt mètres carrés qu’occupe La Boutique sans argent. « Et pourtant les objets donnés sont plus nombreux que ceux pris ! », assure Debora Fischkandl, qui envisage d’ores et déjà de déménager pour un espace plus grand. Le succès de l’initiative a d’ailleurs poussé l’association à organiser hors les murs des « zones de gratuité », rendez-vous éphémères et hebdomadaires.

L’initiative s’inspire des « Umsonstladen » allemands : le premier « Magasin pour rien » a ouvert à Hambourg en 1999. À Berlin, ce type d’initiatives prend souvent racine dans la culture libertaire. Mais ce concept s’étend aujourd’hui en Europe, où cette culture du don, que l’on retrouve par exemple avec les boîtes à livres, les cafés et pains « suspendus », se développe à mesure que s’affaiblit l’État providence ; de nouvelles solidarités horizontales s’organisent pour pallier l’amenuisement des anciennes, plus verticales. Plusieurs grandes villes françaises ont ainsi adopté la « boîte de dons », née il y a cinq ans dans le Berlin alternatif.

Du gaspillage à la valeur d’usage

Faire profiter autrui d’un objet abandonné dans une cave, un placard, ou que l’on s’apprête à jeter est certes une façon de lutter contre la surconsommation et le gaspillage. Mais c’est plus que cela. Le don, anonyme, n’inclut aucune contrepartie. Nul besoin d'apporter un objet pour en emporter un autre. Et cette liberté fait naturellement naître chez l’acquéreur un désir de rendre la monnaie de sa pièce, donc de participer de manière consciente ou non à une économie circulaire, non monétaire mais porteuse de lien social. À l’idéal, une relation, basée sur la confiance, s’engage entre donneurs et acquéreurs. Et chacun, sorti de la logique névrotique de la consommation, peut s’interroger sur ses réels besoins, l’objet retrouvant une valeur, d’usage, autrement plus concrète qu’un prix de vente.

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1 000 objets donnés par jour