Depuis juin 2018, le Lieu de répit à Marseille accueille ses premiers habitants. Ce programme innovant d’hébergement repose sur l’accompagnement de pairs, afin de pouvoir accueillir au mieux des personnes sans abri en situation de crise psychique, le temps de se rétablir sans hospitalisation et de repartir vers un projet de vie.
- Sylvie Legoupi - Sandra Mignot
À Marseille, le Lieu de répit (LDR) est un lieu de vie communautaire, un « habitat temporaire participatif », pensé par et pour des personnes sans domicile touchées par des troubles psychiques. L’endroit se veut une alternative à l’hospitalisation sous contrainte et un accompagnement à la résolution de crise. Il est porté par l’association JUST (Justice and Union Toward Social Transformation) et financé par l’Agence régionale de santé Paca et la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie. L’objectif recherché est le rétablissement, à savoir un apprentissage de la vie avec la maladie au sein de la communauté, où les pairs peuvent s’entraider, partager leur stratégie, afin de retrouver un projet individuel et social.
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Benoît, l’un des habitants, sur la passerelle qui mène à sa chambre. Le LDR est installé dans un bâtiment réhabilité depuis juin 2017. Il a d’abord fonctionné avec des bénévoles avant d’être doté d’une équipe de professionnels un an plus tard. Il peut accueillir dix habitants. Ici chacun dispose de sa chambre, sans la présence permanente de soignants ou de travailleurs sociaux. On y fait sa vie, on s’y pose, on y réfléchit à son projet en toute autonomie. Des espaces communs permettent de se retrouver. Les personnes sont orientées vers le dispositif essentiellement par MARSS (Mouvement et action pour le rétablissement sanitaire et social), l’équipe mobile santé mentale et précarité de l’AP-HM (Assistance publique – Hôpitaux de Marseille), qui suit les personnes malades vivant dans la rue.
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Les habitants du LDR sont accompagnés par des bénévoles et par une équipe constituée de travailleurs pairs, comme sur la photo Sandra Rodriguez, au rez-de-chaussée avec un infirmier. Afin d’accompagner la personne en situation difficile, les travailleurs pairs prennent appui sur leur propre rétablissement et les compétences qu’ils ont eux-mêmes mobilisées pour faire face à la maladie. « Je suis une personne rétablie et même sevrée, je ne vais même plus voir mon psychiatre, dit ainsi Sandra Rodriguez. Et je me sers de mon vécu, de mon expérience, pour soutenir les habitants du LDR dans leur stratégie de rétablissement. » Une démarche complémentaire du suivi médical.
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Un éducateur, un infirmier et des psychologues complètent l’équipe d’accompagnement. Leurs rôles ne sont pas ouvertement différenciés. À droite, l’infirmier Jean-François Rolland peut apporter sa connaissance des pathologies en psychiatrie. Adil Mahi, à gauche, est éducateur spécialisé. Il envisage de développer avec le LDR un « théâtre de l’opprimé », méthode d’improvisation pour jouer des scènes fondées sur des conflits, dévoiler les mécanismes de domination et tenter d’y répondre. Le recrutement de tous les professionnels a été coopté par les premiers habitants, sur la base de leurs expériences de vie et professionnelle. « Ils sont humains et “cabossés”, résume Franck, un habitant. Pour comprendre nos situations il faut avoir vécu certains problèmes dans sa vie. »
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Chaque travailleur pair se fonde sur son expérience personnelle et sa sensibilité pour accompagner au mieux les habitants. Sandra Rodriguez, ici avec un habitant qui préfère ne pas apparaître à l’image, mise beaucoup sur le contact dans la construction de la relation, tout en gardant la bonne distance. Cette mère de famille, qui a débuté sa vie professionnelle dans le monde du spectacle, n’est pas diplômée comme médiateur pair – même si un diplôme a existé entre 2012 et 2016 à Marseille, et devrait être rétabli en 2019. Elle a, en revanche, enrichi son expertise grâce à quatre années de compagnonnage avec l’équipe mobile de MARSS, de stages en milieu psychiatrique et de formations multiples sur les pathologies ou les droits sociaux.
- Sylvie Legoupi - Sandra Mignot
Pleinement fonctionnel depuis le printemps, le Lieu de répit a déjà permis à certains de ses habitants d’accéder à un logement autonome. À l’image de Jean-Claude, en photo avec en main ses nouvelles clés : il vient de signer le bail d’un studio, déniché grâce au partenariat noué avec le programme Un Chez soi d’abord. Après trois mois passés au LDR, il habitera désormais non loin, aux abords de la gare Saint-Charles. Ce n’est pas son premier appartement, mais la vie l’a embarqué sur des chemins multiples, depuis sa prise en charge enfant par la DDASS, ensuite de job en job, vivant au jour le jour, seul ou à deux, et puis à la rue.
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Jean-Claude, contrat à la main, avec une infirmière du programme Un chez soi d’abord. Grâce à ce dispositif, il bénéficiera d’un autre suivi, notamment pour l’équipement de son logement et la gestion de son budget. S’impliquent en effet dans ce programme des travailleurs sociaux et des soignants formés aux pathologies psychiques. Les travailleurs pairs du LDR garderont le contact avec lui, mais laisseront le lien se distendre, afin d’éviter tout risque de transfert. Le passage vers un habitat autonome est un moment délicat qui nécessite une réelle préparation. L’échec est possible. Franck, par exemple, a tenté l’expérience du studio, mais il n’a pas supporté d’y vivre seul, au point de détériorer sérieusement son appartement pour provoquer le passage de l’équipe de suivi.
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Les professionnels sont présents en fonction des besoins des habitants, pour les accompagner à un rendez-vous, les aider dans les démarches administratives ou des activités collectives, les apaiser un moment de crise. « Je suis bien ici, j’ai un toit et on est comme une petite famille, mais c’est temporaire, car je cherche un logement », explique Marie-Thérèse, habitante, ici en compagnie de Nicole Ducros, chargée de mission animation. Marie-Thérèse, qui a travaillé dans la restauration, se forme au COFOR (Centre de formation au rétablissement) : elle espère devenir travailleuse pair ou régisseuse sociale. Elle est aussi vice secrétaire de l’association JUST. « Ça me permet de soutenir la secrétaire officielle, pour prendre des notes dans des réunions, rédiger des rapports. »
- Sylvie Legoupi - Sandra Mignot
Ici dans une sorte de bras de fer au milieu de la salle de sport mise à sa disposition par des amis, Bernard John Bikaï (à droite sur la photo) est également travailleur pair au LDR. Hier sportif de haut niveau, il a notamment appuyé son rétablissement sur la pratique intensive du sport. Il est aussi coach sportif et met ses compétences en la matière au service de ceux qui le souhaitent. Dans ce gymnase, il travaille avec des étudiants du COFOR, un projet marseillais qui permet aux personnes concernées par des troubles psychiques d’échanger leurs savoirs et d’étudier les moyens mobilisables pour leur rétablissement : gestion de la médication, connaissance de ses droits, gestion du stress, etc.
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Des étudiants du COFOR, des bénévoles et des habitants sont réunis pour une séance de travail autour de la confection d’un flyer expliquant la maladie psychique, et présentant le LDR. Le document a vocation à être distribué dans des lieux publics. L’un des fondements de l’action de JUST est la participation des usagers. « Il y a un vrai souci de développer la participation de tous, explique Alexandra Mathieu, chargée de mission recherche-action-participation. Quitte à ce que cela prenne du temps. » C’est ainsi que les fiches de postes des salariés ont été rédigées avec les premiers habitants, tout comme la charte du lieu de vie. Et lorsque le projet est présenté dans des colloques ou séminaires à l’étranger, un représentant des habitants est élu pour faire le déplacement.