Situé dans le quartier de Sidi Youssef Ben Ali à Marrakech, l’internat pour la scolarisation de la jeune fille rurale accueille gratuitement près de 200 jeunes filles inscrites au collège et au lycée. « Nous ne faisons pas la charité, nous donnons une chance à celles ayant la capacité intellectuelle et la volonté de poursuivre leurs études supérieures », explique Touria Binebine, présidente du comité de gestion de l’internat qui dirige cet organisme laïc avec sa sœur Leila.
Mathieu Oui
Dédié aux jeunes filles issues de zones rurales du Maroc, l’internat a ouvert en septembre 2005, avec 13 pensionnaires. Aujourd’hui, elles sont près de 200 à y être hébergées, toutes entre 12 et 18 ans. La structure leur assure gratuitement le gîte et le couvert, et un suivi médical durant toute la semaine. L’initiative est portée par le club de Marrakech de Soroptimist, la première branche en Afrique du Nord (créée en janvier 2000) de cette organisation internationale pour la défense et l’accompagnement des femmes.
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La nécessité de cet hébergement est née d’un constat : le manque d’écoles secondaires au Maroc, particulièrement en zones rurales. « Chaque village a son école primaire, explique Touria Binebine, présidente du comité de gestion de l’internat. En revanche, on ne trouve des lycées que dans un rayon de 10, 20, ou 30 kilomètres. » De par cet éloignement, le risque est grand qu’à partir de 12 ans, les filles soient déscolarisées. Beaucoup se retrouvent à travailler avec leurs parents ou, plus problématique encore, deviennent au mieux domestiques chez des particuliers.
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« Ici c’est notre deuxième maison : il y a du respect entre les filles et on se sent en sécurité », témoigne l’une des jeunes pensionnaires, qui souligne par ailleurs la philosophie d’entraide du lieu, entre élèves mais aussi avec des professeures ou d’anciennes élèves. Le respect de la discipline et l’exigence d’un bon niveau scolaire font partie des règles de bon fonctionnement de l’internat, qui vise à la promotion sociale. Seules les élèves ayant les meilleurs résultats à l’examen d’entrée en sixième sont acceptées. Elles sont ensuite hébergées durant les six années que dure l’enseignement secondaire au Maroc.
Mathieu Oui
Au sein, d’un vaste enclos avec jardins, l’internat dispose d’équipements collectifs sur un bâtiment de 3000 mètres carrés. Au rez-de-chaussée, une grande bibliothèque, des salles de travail, le réfectoire et les cuisines. Les chambres collectives avec les sanitaires sont à l’étage. L’internat est équipé d’un centre médical avec un cabinet dentaire et des bureaux pour l’administration. Les frais d’hébergement, soit environ 550 € annuels par pensionnaire, sont entièrement pris en charge par l’association, qui se finance grâce à du mécénat, des dons ou l’organisation d’événements caritatifs.
Mathieu Oui
Leila Binebine (à droite) avec quelques pensionnaires dans la bibliothèque où se déroulent les devoirs. Professeure de littérature anglaise à l’université, Leila s’occupe de la pédagogie. Sa sœur Touria est en charge de la gestion. Toutes deux dirigent l’institution, accompagnées au quotidien par dix salariées. « Notre organisation est celle d’une communauté de femmes qui s’entraident, explique Touria. Les personnes qui travaillent au ménage ou en cuisine, par exemple, participent également au projet éducatif. »
Mathieu Oui
Outre le suivi des devoirs, l’internat propose différentes activités périscolaires : club de lecture, cours de musique, ciné-club, jardin potager, etc. Un professeur de musique issu du conservatoire a ainsi appris aux internes une chanson du film Les choristes. Les activités en français sont encouragées, afin d’améliorer le niveau linguistique des jeunes filles et de permettre une « meilleure » intégration à l’université, où le français est très utilisé.
Mathieu Oui
Depuis l’ouverture de l’internat, plusieurs anciennes internes ont pu poursuivre leurs études à l’université. Certaines, inscrites actuellement en première année de droit ou en fac de sciences, habitent encore à l’internat et font ici office de maîtresses d’internat. En charge de la surveillance et de cours de soutien d’un groupe d’internes, elles peuvent aussi les conseiller sur leur orientation. En retour, ces étudiantes sont logées et nourries. Ces anciennes bénéficiaires de l’action de l’internat deviennent ainsi des exemples et des personnes motrices de la communauté d’entraide qu’est aussi ce lieu.
Mathieu Oui
Touria Binebine présente le projet d’extension des locaux. L’objectif est de dégager des ressources, et de mieux s’autofinancer. La construction d’une aile supplémentaire le long du bâtiment principal permettrait de le louer pour différentes activités, par exemple des commerces et un hammam, afin de générer des revenus propres. Après moult péripéties, les responsables ont obtenu le permis de construire. Les plans sont déjà dessinés et l’équipe poursuit une levée de fonds pour financer les travaux. L’enjeu, bien sûr, n’est pas de faire du lieu un espace marchand, mais bien au contraire d’utiliser cette extension pour que perdure voire se développe sa logique de gratuité et de solidarité.
Publication / Mise à jour : 21.05.2019