Le Futur composé : tous en scène !

« Au fil des répétitions, nous avons découvert les capacités des jeunes, leur implication, le respect des consignes et le plaisir à être sur scène », témoigne Patricia Chlon, éducatrice dans l’un des instituts médico-éducatifs partenaires du Futur Composé : Jean Richepin, Jeanne d’Arc, Alternance 92, HDJ Haxo et l’IME de la Fondation Cognacq-Jay. Débuté le 8 juin par une pièce de théâtre au Carreau du Temple à Paris, cet événement se clôt par quatre représentations de la pièce Jeanne d’Arc (dont la photo montre une répétition) : les 27, 29, 30 juin à 20h30 et le 1er juillet 2018 à 16h au Théâtre des Variétés à Paris.

Relecture iconoclaste de la figure de Jeanne d’Arc, cette pièce a été écrite par Gilles Roland-Manuel, Président et fondateur du Futur composé, association créée en 2000 qui organise spectacles et manifestations culturelles mêlant artistes professionnels et handicapés. Comme il le dit lui-même dans notre entretien, l’objectif qu’il recherche à travers l’art n’est pas la thérapie, mais de « rompre l’isolement » des personnes autistes : un mieux-être, voire un moyen de rendre leur vie un tant soit peu plus belle.

« Jouer avec des personnes handicapées offre l’occasion d‘être plus tourné vers les autres », témoigne Philippe Le Gall, comédien professionnel qui interprète le personnage principal, Victor, un auteur dramatique habité de façon obsessionnelle par l’épopée de la pucelle. « Sur la scène, nous sommes attentifs pour les aider à se placer ou à refaire un lacet. Et puis cela ramène le jeu d’acteur à l’essentiel, au plaisir, un peu comme quand on joue avec des enfants. »

« Mon ambition est de faire du théâtre, au-delà du handicap et des bons sentiments », insiste Olivier Tchang-Tchong, le metteur en scène. « Certains jeunes comédiens n’étaient jamais montés sur scène. En six mois, ils ont fait un sacré chemin. Je ne voulais pas être en-deçà de mes exigences habituelles face à des comédiens. C’est cela qui assure une garantie de liberté et de plaisir dans le jeu. Leur investissement et leur concentration étaient si forts qu’ils n’avaient plus le temps de penser à leurs angoisses. »

Issus d’institutions spécialisées, les jeunes comédiens amateurs sont une quinzaine à participer, accompagnés de leurs éducateurs, également sur scène. Parmi eux, six jeunes et trois éducateurs viennent de l’institut médico-éducatif de la Fondation Cognacq-Jay. Toutes et tous ont été recrutés sur casting par le metteur en scène, au cours de l’automne 2017. Puis à partir du mois de janvier, la troupe a répété toutes les semaines, avec des périodes de résidence d’une semaine.

Interprétés par les Pachas qui sont également musiciens et chanteurs dans le spectacle, les Touaregs accueillent au beau milieu du Sahara les rescapés du crash de l’avion qui embarquaient Victor et sa troupe en Afrique. Ce groupe est lui-même composé de cinq jeunes autistes, musiciens et chanteurs, accompagnés d’éducateurs et de musiciens professionnels de l’institut médico-éducatif Alternance 75.

Thomas Caspar, ici dans sa loge, interprète Charles VII. Il est membre depuis plusieurs années du Théâtre du Cristal, une compagnie parisienne réunissant des artistes qui sont par ailleurs eux-mêmes des personnes en situation de handicap. « Ce qui me plaît quand je suis sur scène, c’est d’être bien dans ma peau et de ne pas avoir envie d’être ailleurs. Le théâtre est une expérience différente chaque jour, mais j’essaie d’être disponible et généreux. Comme disait Camus, il faut incarner et éprouver. »

Dans les coulisses, Nadia Sadji (à gauche) répète le rôle de Yolande d’Aragon. « Cette expérience est très enrichissante, car habituellement, avec le Théâtre du Cristal, nous travaillons plutôt des textes contemporains. En tant que comédiens professionnels, notre responsabilité est double : artistique car il faut tenir notre rôle, et aussi vis-à-vis des jeunes autistes que nous essayons de valoriser. Ils ont de grandes capacités ! »

Comédienne depuis ses quatorze ans, Angélique Bridoux (deuxième en partant de la gauche) est également membre du Théâtre du Cristal. « Avec l’expérience, dit-elle, j’ai gagné en confiance en moi et je me tiens plus droite. J’aime interpréter plusieurs personnages et faire plaisir au public en lui donnant du rêve. Pour Jeanne d’Arc, je vais être au milieu du public pour la première fois, avec une scène qui se déroule sur un balcon. Je suis un peu stressée mais nous avons travaillé d’arrache-pied ! »

L’évêque de Beauvais Pierre Cauchon, ordonnateur du procès de Jeanne d’Arc, est joué par Stanislas Carmont. L’acteur assure également une première intervention au tout début de la pièce, très drôle et en anglais. Son caractère iconoclaste donne tout son cachet à cette relecture très contemporaine du mythe de la « Pucelle d’Orléans » !

Le jeune Neïl Ben Salah interprète le dauphin Louis XI. Comme pour beaucoup de comédiens, c’est sa première expérience théâtrale. Les jeunes acteurs côtoient sur la scène des comédiens aguerris comme Denis Lavant ou Isabelle Mergault.

La danse des Touaregs est interprétée par le groupe des Pachas, musiciens et chanteurs de l’institut médico-éducatif Alternance 92. Créé à partir d’un atelier musical organisé tous les jeudis par des musiciens professionnels, le groupe aime à partager sa passion musicale avec le public, sous forme de concerts. Les Pachas pratiquent le chant, mais aussi la batterie, les percussions, la basse ou le piano.

Après les derniers raccords, séance de pause devant le théâtre des Variétés pour les quatre résidents de la Maison Jeanne d’Arc de Vigneux : Fabrice Marsault, Aurélie Mabilleau, Anaïs Chabaille et Sébastien Colot, et leur accompagnantes, Patricia Chlond et Nadège Cellier-Dizazzo. « C’est grâce à eux que je suis montée sur scène ! », se félicite Patricia. « Sans leur enthousiasme, je n’aurais pas osé le faire. Ce sont les jeunes qui nous poussent ! »

Pause détente devant le Théâtre des Variétés entre la musicienne et chanteuse Maëva Clamaron et la jeune comédienne Angélique Bridoux. Organisé tous les deux ans en Ile de France, le Festival du Futur composé réunit une quarantaine d’institutions spécialisées et d’associations pour des manifestations ouvertes au grand public.