Premiers secours en santé mentale

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Début d’une formation de secouriste en santé mentale, réalisée sur deux journées. Cette formation très spécifique est disponible en France depuis le printemps 2019. ©© PSSM

Secouriste en santé mentale, c’est désormais possible. Depuis un peu plus d’un an, cette formation accessible à tous est mise en place par l’association PSSM (Premiers secours en santé mentale) France. Il s’agit de rendre chaque citoyen en mesure de venir en aide à une personne de son environnement vivant des troubles psychiques. Cela contribue à résoudre un problème sur le terrain, tout en le « déstigmatisant » d’un point de vue plus global. 

« On fait reculer l’ignorance et les préjugés, eux-mêmes intégrés par les personnes malades », résume Jacques Marescaux, président de Premiers secours en santé mentale France (PSSM). L’organisation a été créée en 2018 pour former, parmi le grand public, des secouristes à même d’aider les personnes qui sont en train de développer un problème de santé psychique ou qui font l’expérience d’une crise. « Trop souvent persuadés que, s’ils ont un trouble, ils ne pourront s’insérer dans la société, les gens reculent au maximum le moment de se faire soigner et on en arrive à des hospitalisations sans consentement. Nous voulons accélérer l’accès au soin. »

Approcher, écouter, réconforter, encourager, renseigner

Chaque session est une formation de deux jours qui permet de présenter les troubles de santé mentale les plus fréquents, « de la baisse de moral jusqu’à l’état anxieux et la dépression, en passant par l’abus de substances addictives, voire la psychose, même si c’est beaucoup plus rare », résume Béatrice Borrel, formatrice bénévole pour l’Union nationale de familles et amis de personnes malades ou handicapées psychiques (Unafam) et membre fondateur de PSSM France. A chaque trouble est associé un « plan d’action » en cinq étapes réunies sous l’acronyme AERER (approcher, écouter, réconforter, encourager, renseigner) et les stagiaires sont mis en situation dans le cadre d’exercices pratiques.

« On nous donne des chiffres, des faits précis sur ce que sont les troubles psychiques », explique Clémence Didier, vice-présidente étudiante de l’université de Lorraine, inscrite en master d’ingénierie et expertise des politiques sociales. Elle a suivi la formation en novembre 2019, la Direction générale de la santé ayant en effet inclus la formation des étudiants aux PSSM parmi les vingt-cinq mesures phares de la santé publique entre 2019 et 2022. « On nous propose une façon d’aborder les personnes en crise ou de déceler des troubles au long cours. C’est intense mais accessible à n’importe qui. »

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Exercice de simulation entre participants et animateurs, lors d’une formation ayant été filmée en vidéo. L’une des premières étapes, en situation, c’est l’identification du problème de la personne. ©© PSSM

Former et informer pour mieux aborder la réalité de chaque cas

 Car l’objectif est bien de former, comme pour le secourisme « physique », tous ceux qui le souhaitent, quel que soit l’environnement de travail ou le lieu de vie, sans compétences pré-requises. Régulièrement, des études publiées dans la littérature scientifique internationale montrent que les premiers secours en santé mentale permettent de réduire, chez les personnes formées, des visions qui resteraient stigmatisantes – de façon même parfois inconsciente. Les formations amélioreraient également leurs connaissances des troubles mentaux (et de leur traitement), leur capacité à écouter des personnes en difficulté et leur confiance en eux pour le faire. Il reste cependant difficile d’évaluer quantitativement l’impact d’un tel programme sur la santé mentale d’une population.

Clémence confirme être plus à l’aise lorsqu’il s’agit d’évoquer des troubles psy dans une conversation. « J’ai même réussi à rassurer des proches sur le comportement d’un membre de ma famille qui présente des troubles diagnostiqués, poursuit-elle. C’est plus facile quand on connaît les principaux troubles. Et face aux personnes concernées, on n’a plus peur. » Rebecca Sciortino, quant à elle, a suivi la formation à l’université de Metz. Cette étudiante en licence de psychologie est également étudiante entrepreneur et travaille à la création de dispositifs de prise en charge de la souffrance psychologique. « Jusqu’à présent la licence ne me donne qu’une formation théorique, là j’en ai appris plus sur les pathologies. Dans mon réseau personnel, je trouve que cela me permet d’être plus à l’écoute des difficultés des autres. » A tel point que la jeune femme envisage à son tour de devenir formatrice.

Un programme innovant qui essaime et s’adapte en fonction des pays

Le programme et la formation de secouriste en santé mentale ont été créés en Australie en 2001 par le couple que forment Tony Jorm, professeur et chercheur, et Betty Kitchener, infirmière et éducatrice en santé mentale, qui a elle-même subi des troubles. Depuis, près de 850 000 Australiens ont été formés. Le programme a été adapté dans 27 autres pays et 4 millions de personnes dans le monde ont suivi l’une des formations déclinées en fonction de différents publics : adolescents, policiers, personnes âgées, prisonniers, etc. « Au Canada, nous avons développé une formation spécifique pour les jeunes, dans laquelle nous avons inclus une information sur les troubles alimentaires, nous avons également une version adaptée aux vétérans, une autre pour les Inuits… », résume Sabrina Jouniaux-Romano, maître formatrice PSSM à Verdun (Québec). En Angleterre, les forces armées et la police sont formées. « Et dans les universités, les secouristes portent un badge pour être identifiés si un besoin se fait sentir », observe Christelle Cassan Vacher, infirmière et formatrice PSSM qui travaille outre-Manche.

En France, l’Unafam, Santé mentale France (Fédération des acteurs de la santé mentale) et l’INFIPP (organisme de formation spécialisé dans le secteur de la santé, l’éducation et l’éducatif) se sont associés pour reprendre le flambeau. Ils ont créé PSSM France qui a traduit et adapté le modèle australien. « Outre les coordonnées des associations et centres de soins, les données relatives à la santé mentale de chaque pays, il a fallu articuler le programme avec le système de soin français qui est très médicalisé », explique Jacques Marescaux. Et de citer l’exemple du risque suicidaire pour lequel la pratique courante en France est d’alerter les pompiers et de mettre la personne en rapport avec un médecin ou un soignant. « En Australie, la pratique recommande en revanche que le secouriste interroge directement la personne sur ses intentions et les moyens qu’elle compte mettre en œuvre », précise Béatrice Borrel. « Il a fallu discuter avec les professionnels de santé français, également, pour que ces premiers secours ne soient pas vus comme du soin à bas coût, ajoute Brian Smith, directeur général de l’INFIPP. Moi je compare cela à la réaction face à une crise cardiaque : on appelle les secours, et en les attendant on pratique un massage cardiaque. »

Développer cette pratique « citoyenne » en France

Chacun des chapitres du manuel sur lequel s’appuie la formation a ensuite été validé par des spécialistes français en se fondant sur les meilleures pratiques reconnues par les experts en santé mentale. Les formations de formateurs ont ensuite été lancées afin de former des professionnels indépendants. L’ensemble du travail a été financé grâce à Santé Publique France, la Fondation de France, la direction générale de la santé et la Fondation Handicap de Malakoff Humanis. « Nous avons eu besoin de ces subventions pour le lancement, souligne Jacques Marescaux. À terme notre objectif est que cette formation puisse être prise en charge dans le cadre du compte professionnel de formation. » Chaque formation est facturée 200 € les deux journées.

En France, quelque 1600 secouristes en santé mentale ont été formés en un peu plus d’un an (ainsi que 85 formateurs). De nombreuses sessions ont été dispensées au sein de l’Unafam. « Beaucoup de soignants sont venus se former, car c’est le public habituel de nos trois organisations fondatrices », résume Brian Smith. « Mais la formation leur est utile aussi car elle véhicule l’idée de prendre conscience des préjugés que nous pouvons tous avoir, observe Christelle Cassan Vacher. Les soignants aussi peuvent être jugeants. » Des aidants ont également sollicité la formation et de plus en plus d’établissements médico-sociaux organisent des sessions avec les formateurs accrédités. L’objectif de PSSM France est d’atteindre 500 000 secouristes formés en dix ans. Des sessions sont déjà en préparation pour la fonction pénitentiaire et les professionnels intervenant auprès des jeunes.

« J’ai même formé des personnes concernées, ajoute Christelle Cassan Vacher. Et certaines sont devenues formatrices, parfois en co-animation. Moi je tiens à ce que ce dispositif ne soit pas uniquement pris en main par des professionnels du sanitaire et du social

En savoir plus

Données en plus

L’association PSSM France a été créée en 2018 et a lancé son programme de formation au printemps 2019. Il est inspiré par le programme international Mental Health First Aid (MHFA), lancé en Australie en 2001, aujourd’hui déployé dans 28 pays.
Au niveau français, trois autres structures portent le programme : le mouvement national faveur des personnes souffrant de troubles psychiques Santé Mentale France, l’organisme de formation en santé mentale INFIPP, et l’Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques (Unafam).
En France, environ 1600 secouristes en santé mentale ont été formés en un peu plus d’un an (ainsi que 85 formateurs).