Bénévoles nantais pendant la crise : 2. Aide alimentaire au Wattignies Social Club

Changement de décor par rapport à nos reportages à la mosquée Assalam de Nantes ou sur le Campus universitaire du Tertre : le 27 avril 2020, rendez-vous avec des jeunes bénévoles et des acteurs de l’aide sociale au Wattignies Social Club, un lieu d’activités commerciales et culturelles « solidaire », transformé par la crise du Covid-19 en un espace d’aide quotidienne et de distribution de repas aux personnes vivant dans la rue.

 

Lundi 27 avril, autour de 10h du matin, trois bénévoles mettent dans des sacs en papier les bouteilles d’eau et les plats préparés en amont par l’ESAT la Cholière à Orvault, situé en banlieue nord de Nantes. Bienvenue au Wattignies Social Club, un ancien garage de 800 mètres carrés, devenu il y a un an un lieu de commerce et de vie culturelle sous le signe de la solidarité, en association avec Le Carillon. Depuis le 23 mars, c’est l’un des sept points de distribution alimentaire quotidienne de paniers repas pour les personnes sans-abri à Nantes.

Grâce à l’énergie de son fondateur, l’anthropologue Stéphane Juguet, il n’a en effet fallu que six jours après la fermeture le 17 mars, pour que le Wattignies Social Club puisse être « homologué » par le Samu social et le Centre communal d’action sociale de la ville afin de remplir cette mission d’urgence. En plus de la distribution quotidienne de repas, entre 11h30 et 14h, chacun peut recevoir un kit d’hygiène (savon, shampoing, brosse à dents).

 

 

Très tôt les bénévoles dessinent un parcours avec des barrières métalliques pour rendre fluide la circulation et sécuriser les bénéficiaires.

 

 

Dès 9h 30, les personnes sans abri prennent leur place dans une file d’attente ou bien déposent leurs sacs et cabas en veillant bien à respecter les distances.

 

L’accompagnement d’une infirmière sur le lieu de la distribution

Cécile est infirmière au Service intégré d’accueil et d’orientation du département, qui centralise, notamment, les demandes d’hébergement d’urgence adressées au 115. Elle assure ici des consultations de soutien psychologique ou oriente les personnes vers des services dédiés au regard de leurs problèmes sanitaires « L’idée, c’est de faire une évaluation sanitaire avec un endroit dédié à l’intérieur du lieu pour pouvoir assurer en toute discrétion un entretien avec les bénéficiaires qui le demandent. Ici, on est confronté à des troubles psychiques, aggravés par le contexte de pandémie et par la précarité économique auxquels les gens se trouvent exposés. »

 

Deux bénévoles appelés Louis, un débutant et un expérimenté…

Louis, 30 ans et une belle barbe sous son masque, a été responsable marketing dans un start-up parisienne. Mais il a quitté son emploi, car, dit-il « je ne trouvais plus aucun sens à ce métier ». En pleine reconversion professionnelle avant le confinement, il a rejoint le pool de bénévoles de la ville de Nantes, qui l’a dirigé sur le site du Wattignies Social Club. « J’essaie de prendre du recul, de ne pas porter de jugement si la situation se tend lors de la distribution. J’aimerais continuer dans le bénévolat. Avant je m’inventais des faux prétextes pour ne pas le faire… Pas le temps, trop d’occupations professionnelles... Mais cette nouvelle expérience me met le pied à l’étrier. On fait des rencontres de toutes sortes, des bénéficiaires et des bénévoles. »

 

 

Le deuxième Louis des bénévoles du Wattignies Social Club (à droite sur la photo), a vingt ans de plus que le premier, et dix ans d’expérience de bénévolat auprès de personnes en situation de précarité, là aux Restos du cœur, ici avec l’association Etmadouche, dont le camion douche pour les personnes sans-abri a dû cesser ses activités depuis le confinement… « Je gère les flux et j’essaie d’améliorer les pratiques », explique Louis entre la distribution de paniers et quelques mots de conseil avec le sourire.

 

 

Selon Sarah Dherbomez (à l’image ci-dessus), coordinatrice volontaire du site de Wattignies, « l’appui de Louis est précieux » pour rendre la distribution efficace en un temps record. Il fait partie du « noyau dur » des volontaires, habitués à l’accueil des personnes précaires, un poste décisif et déterminant pour le bon déroulé de la distribution.

 

Florence et Sybille : jeunes bénévoles

Deux boutiques du Wattignies Social Club sont devenues les espaces dédiés aux distributions alimentaires, sous forme de drive piéton, protégé par une vitrine en plexiglas souple pour respecter les mesures sanitaires. Florence (en photo ci-dessus) est opticienne. Déjà bénévole à l’association Etmadouche, elle est venue prêter main forte ce matin. « J’ai deux adolescentes à la maison et je les sensibilise, à travers mon vécu de bénévole, à la nécessité d’être solidaire. »

 

 

Sybille (à gauche), 29 ans, sans emploi, sans obligations familiales, bénévole débutante aux Restos du Cœur avant le confinement, ne se voyait passer tout ce temps complètement désœuvrée et en proie « au stress face aux chiffres, aux informations anxiogènes quotidiennes ». Elle est présente sur le site trois fois par semaine, distribuant des kits sanitaire avec Antoine, professionnel du Centre d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques des usagers de drogues (CAARUD). « Je me qualifie d’éponge empathique, et j’avais peur de ne pas savoir gérer mon émotivité face aux situations difficiles. Cette expérience me mettra plus à l’aise dans mon futur bénévolat. Elle me donne confiance en moi. »

 

 

Chaque jour, à la fin de la distribution (174 repas ce lundi 27 avril), les bénévoles « débriefent » avec Sarah Dherbomez, qui leur accorde toute son écoute. « Car, dit-elle, ces bénévoles, en particulier les plus jeunes, ne sont pas tous formés à l’accueil de ces publics pas toujours faciles. Certains vivent des situations de stress, ils se posent plein de questions... Nous sommes attentifs au syndrome du superhéros : vouloir faire bien à tout prix, au risque que cela nuise à leur santé mentale, à leur bien-être dans ce contexte d’urgence humanitaire et sanitaire. Nous devons les accompagner pour que leur engagement se passe le mieux possible et qu’ils aient moins peur de s’engager plus tard dans d’autres associations de soutien aux personnes vivant dans la rue. »