Bénévoles nantais pendant la crise : 3. Aider les étudiants démunis

Après nos deux premiers reportages sur les bénévoles de la mosquée Assalam et ceux du Wattignies Social Club, toujours à Nantes, troisième volet : le mercredi 29 avril au restaurant universitaire du Campus du Tertre, pour la distribution d’un repas à des étudiants dont la situation de précarité s’aggrave pendant la crise sanitaire. Avec la toute jeune association La SurpreNantes Épicerie et InterAsso Nantes, fédération des associations étudiantes nantaises.

 

Midi tapante. C’est plus de 400 sacs remplis de provisions que l’équipe de bénévoles, pour la plupart étudiants, entrepose dans les chambres froides en attendant l’heure de la distribution à 15 h. Pas de temps à perdre, une chaîne humaine s’est formée dans la sandwicherie du restaurant universitaire du Campus du Tertre afin de mettre ces paniers le plus vite possible au frais, tout en respectant les mesures d’hygiène. En photo, Marie, 22 ans, est étudiante en licence de sciences, mais aussi secrétaire de l’InterAsso Nantes, qui fédère les associations étudiantes de la ville et de ses environs. La fédération s’est en effet associée pour l’occasion à La SurpreNantes épicerie. Fondée en octobre 2019, cette association devait ouvrir en mars 2020 pour une distribution gratuite de denrées alimentaires aux étudiants nantais en ayant besoin, sur le modèle de celle ouverte début 2019 à Rennes 2 avec Cœurs résistants. La crise sanitaire et le confinement en ont décidé autrement, d’autant plus que certains étudiants ont perdu leur job alimentaire.

Si Marie a perdu son « emploi de baby sitter », elle a « la chance d’avoir des parents qui peuvent aider financièrement. Du coup, j’estime que je ne suis pas à plaindre et que je peux aider les plus fragiles que moi. » Agir, concrètement, maintenant.

 

Une aide d’urgence très bien organisée

Tout au long de la distribution, de nouveaux paniers arrivent sur le site du restaurant universitaire, acheminés dans les véhicules des bénévoles pour pouvoir satisfaire la demande croissante, au fil des deux distributions hebdomadaires, le mercredi et le jeudi. Cinq cents paniers sont livrés par les Restos du Cœur de Nantes – l’association Détournement libre de consommables (DLC) qui centralise les invendus alimentaires de supermarchés et les redistribue aux associations ne pouvant faire cette livraison en toute fin du mois d’avril. Près de 200 sont distribués ce mercredi 29 avril, les autres le seront le lendemain.

 

 

Réussir à apporter une solution d’urgence aux étudiants en précarité alimentaire est une fierté personnelle pour Théo. « En une semaine, le projet a été ficelé, et on a pu donner plus d’une tonne de nourriture dès la première distribution le 22 avril. » Cet étudiant en Master STAPS (Sciences et techniques des activités physiques et sportives), président de l’InterAsso Nantes, souligne la synergie entre les deux entités étudiantes. « La SurpreNantes avait déjà travaillé sur les gestes et les mesures sanitaires, pris des contacts avec les associations d’aides alimentaires et nous, l’InterAsso, nous avions une très bonne connaissance du tissu institutionnel pour faciliter un partenariat avec l’Université, le CROUS et la Ville de Nantes. »

 

Une distribution de produits d’hygiène féminine

Un comptoir est dédié à la distribution de produits d’hygiène et de protections périodiques, essentiels et pourtant trop chers pour bien des étudiantes en situation de précarité. C’est grâce à l’appui logistique de l’association Féminité sans Abris que les bénévoles peuvent fournir les produits nécessaires. « Je suis étudiante en deuxième année d’orthophonie qui est une spécialité à 99% féminine, dit Flavie (à gauche sur la photo). Nous nous étions engagées, via notre association ANFO (associations des futurs orthophonistes), pour collecter ce type de produits et ainsi pouvoir les distribuer, mais le confinement a bouleversé toute l’organisation. » Charlotte (à droite), étudiante en pharmacie, explique la démarche : « Une femme sur trois ne change pas de protection hygiénique aussi souvent que nécessaire. Cela entraîne malheureusement des risques de décrochages scolaires, d’exclusion sociale, voire même de problèmes sanitaires (vaginose, syndrome du choc toxique). »

 

 

Philippe Glévarec, salarié du CROUS (Centre régional des œuvres universitaires et scolaires) et second de cuisine depuis 2007 au restaurant universitaire Le Tertre, présent trois jours par semaine sur le site, délaisse pour quelques heures son travail administratif et participe pleinement à la distribution. « Cet engagement est une évidence, pour moi comme pour le reste du personnel du CROUS. Non seulement je connais la plupart des étudiants que nous aidons, mais je suis moi-même bénévole dans des associations comme le Kiosque nantais, qui facilite les sorties culturelles pour celles et ceux qui n’ont pas les moyens ou les codes. »

Comme l’explique quelques jours plus tard Robin Salecroix, conseiller municipal à la Mairie de Nantes, chargé de la vie étudiante et du logement des jeunes, rencontré lors de sa visite le jour de la distribution du lundi 4 mai dernier : « La crise sanitaire a été un miroir grossissant des précarités déjà existantes. Elle ajoute même de nouvelles fragilités économiques. C’est pourquoi nous apportons un soutien logistique à l’opération, par le don de masques en tissu aux bénévoles étudiants, en attendant de formaliser un appui financier de la part de la collectivité. »

 

 

Nicolas (sur la photo) a été sensibilisé au gaspillage alimentaire par un contrat professionnel d’étudiant dans une chaine commerciale d’hypermarchés, où il n’a pu que constater le gâchis. « On jette chaque jour une quantité astronomique de fruits et légumes ! » Il entend désormais prouver aux institutions de l’université de Nantes que l’association La SurpreNantes pourra perdurer grâce à la très forte implication de ses bénévoles, prévenant face à la précarité qui ne risque pas de diminuer. « Beaucoup d’étudiants n’arrivent pas à boucler leur fin de mois. Quand j’ai commencé mes études supérieures, je me débattais avec 20 euros de budget alimentaire hebdomadaire. Il y en a qui n’ont pas même pas ça… La précarité alimentaire et hygiénique induit la précarité culturelle. Et à terme, c’est toute l’intégration sociale qui est menacée. »