Espace solidarité numérique: s’informer et se former par la bande

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Au centre, Auriol, animateur socio-culturel au sein de l’Espace solidarité numérique, en discussion avec deux retraitées, une bénévole du lieu ainsi qu’une personne qui est venue là pour sa déclaration d’impôts. ©© Mathieu Oui

Assuré par un groupe d’habitants formateurs ainsi que de salariés, l’Espace solidarité numérique du Centre social de Bagatelle à Talence facilite les démarches administratives et aide à réduire la fracture numérique. Retour sur une démarche d’action collective et inclusive.

Derrière le comptoir d‘accueil, Auriol, l’animateur socio-culturel, est en grande discussion avec deux retraitées. L’une d’elles est venue pour sa déclaration d’impôts : l’administration fiscale lui demande un document supplémentaire qu’elle vient imprimer. Bienvenue au Centre social de la Maison de santé protestante de Bagatelle, à Talence, dans la banlieue bordelaise. Entre les mamans avec poussettes qui conduisent leurs bambins à la crèche et les usagers du centre de santé, personnes valides ou en fauteuil, le hall d’accueil est un peu un carrefour des publics. C’est dans ce petit espace que, depuis janvier 2020, sont proposés aux visiteurs quatre ordinateurs en accès libre et gratuit. « L’Espace solidarité numérique est un moyen de faire vivre ce lieu de passage mais aussi de créer une dynamique, de provoquer des échanges, confie Mathieu Denouel, Directeur Enfance Familles Jeunesse du Centre. L’objectif est à la fois de répondre à la fracture numérique et de faciliter l’accès aux droits, mais dans une approche très transversale des autres activités. »

Le Centre social intervient sur trois grands axes : accueil et soutien aux familles ; vivre ensemble ; citoyenneté et lutte contre les inégalités. Animées par une soixantaine de bénévoles, les activités sont variées, allant des cours de français ou de gym à l’espace Décofringues (dons de vêtements), en passant par l’accompagnement scolaire.

« L’espace numérique représente une nouvelle manière de franchir les portes du Centre Social pour les habitants, sans être forcément adhérents », dit le directeur. L’équipe a constaté une diversification du public, en termes de catégories socio-professionnelles et d’âge, à l’image de la fréquentation d’étudiants. Certains qui venaient d’abord pour leurs démarches s’intéressent aux autres activités. Et puis l’Espace a commencé à fonctionner en pleine pandémie. « Durant le confinement, beaucoup de structures sont restées fermées au public et ne fonctionnaient qu’à distance. L’espace numérique, qui est resté ouvert, a été et reste une réponse concrète aux difficultés de mobilité d’un public trop éloigné des institutions, ou qui ne pouvait plus se déplacer trop loin en raison du confinement. »

 

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Régine, bénévole au Centre, auprès de Xue Tian, l’une des bénéficiaires. ©© Mathieu Oui

Nouvelles connexions autour d’un écran

Installée derrière l’un des quatre écrans d’ordinateur, Régine, coupe courte, fines lunettes et grand sourire, accompagne Xue Tian, une habituée des lieux. « À cause de mon accent, les gens ont du mal à me comprendre au téléphone », sourit la jeune Chinoise. Et depuis qu’elle a eu un AVC, les difficultés à gérer les démarches quotidiennes se sont accrues. Aujourd’hui, Régine discute au téléphone avec l’assurance de la jeune femme, pour un problème de dégât des eaux. Par le biais d’autres actions, comme le soutien scolaire pour son fils ou l’aide à l’obtention des titres de séjour des parents de Xue Tian, des liens forts se sont créés entre la jeune femme et l’équipe du Centre social.

Ancienne salariée en informatique désormais en retraite, Régine met à profit ses compétences, au service des gens du quartier. Comme les sept autres bénévoles actifs au sein de l’espace, elle a aussi suivi une formation de facilitateur numérique assurée par la Caisse d’allocations familiales (CAF) pour mieux comprendre les arcanes administratives et être plus efficace dans l’accompagnement des personnes. Tous les lundis matin, la permanence est spécialement dédiée aux usagers de la CAF.

 

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L’espace Solidarité Numérique propose quatre ordinateurs en accès libre. ©© Mathieu Oui

Réflexion collective et partage de compétences

L’idée forte de cet espace est que les habitants du quartier soient les formateurs. « Nous nous sommes appuyés sur les compétences de chacun pour construire le projet au fur et à mesure, afin que chacun gagne progressivement en autonomie et puisse encadrer à son tour d’autres personnes », insiste Mathieu. La mise en place de l’espace numérique s’est ainsi faite à travers un groupe de bénévoles et salariés qui, pendant plus de quinze mois, ont mené une démarche de projet de type recherche-action.

« Ce travail de groupe a permis à chacun de trouver sa place et de développer ce dont il avait envie », poursuit le directeur. Les salariés du Centre et un groupe de bénévoles ont bénéficié de dizaines d’heures de formation. Outre les demi-journées de facilitateur numérique avec la CAF, des formations gratuites ont été assurées par la fondation Orange ou par Bordeaux métropole. Et puis les bénévoles se sont aussi formés entre eux, en échangeant leurs connaissances, conseils et bonnes pratiques. Enfin, l’organisation d’ateliers thématiques, sur la parentalité numérique ou sur les réseaux sociaux, est un autre moyen pour l’équipe de réfléchir ensemble à ces problématiques et de partager ses connaissances. « Je ne suis pas trop à l’aise avec les démarches en ligne et j’ai toujours peur de faire des erreurs, confie une retraitée venue pour ses impôts. C’est rassurant de savoir qu’ici on trouve de l’aide et des réponses à nos questions. »

 

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Autour de Mathieu et Auriol, l’équipe des salariés et bénévoles de l’Espace solidarité Numérique. ©© Mathieu Oui

Accompagnement à la carte

Les trois permanences hebdomadaires sont assurées par huit bénévoles, dont deux interviennent dans le cadre du mécénat de compétences de la fondation Orange. Si les besoins des bénéficiaires sont variés, ils portent prioritairement sur les demandes de logements sociaux, les aides de la CAF, voire les questions liées à l’assurance maladie. Le public allophone a des demandes spécifiques, comme celles concernant les titres de séjour. « Chaque situation individuelle est différente et nécessite aux formateurs de s’adapter et de s’auto-former », analyse le directeur. « Il faut aussi pouvoir dire que l’on n’est pas compétent et renvoyer vers d’autres structures », complète Régine.

En fonction des demandes, les personnes peuvent être accompagnées de manière individuelle par Sophie, conseillère économie sociale et familiale, ou par Sabine, l’écrivain public, voire dirigées vers des structures dédiées. Tous les salariés du centre sont en voie d’être habilités Aidant Connect, un dispositif gouvernemental qui permet à des personnes de réaliser en toute sécurité et conformité des démarches administratives à la place d’un usager. Enfin, et depuis août 2021, Thomas, a rejoint l’équipe du Centre en CDD en qualité de conseiller numérique permanent. Actuellement en formation en alternance, il sera pleinement opérationnel début 2023. De quoi répondre encore mieux aux demandes des habitants et les aider à s’autonomiser.

En savoir plus

Données en plus

Point info CAF, tous les lundis matin 9h30-12h30

Permanence Accès au droit, les mercredis et vendredis matin 9h30-12h30

Les principaux partenaires de ce dispositif sont : Fondation Orange, Emmaüs Connect, label Aidant Connect, Bordeaux Métropole, le département de Gironde, la CAF, Mairie de Talence, etc.

Utilisateurs : 32% hommes, 68% femmes.

Problématiques des bénéficiaires : CAF (27%), logements social (20%), CPAM (12%), Impôts (8%), Mutuelle (5%), Banque (4%).