Le centre hospitalier spécialisé (CHS) d’Ainay-le-Château est un cas unique en France : c’est en effet au sein de 164 familles d’accueil thérapeutique qu’il assure les soins de 328 personnes en situation de handicap psychique (sur les 388 qu’il soigne au total). Formées et accompagnées, ces familles sont réparties sur un rayon de trente kilomètres autour de l’hôpital dans les villages d’Ainay-le-Château, Valigny, Saint-Bonnet-Tronçais, Charenton-sur-Cher et Bessais le Fromental dans les départements de l’Allier et du Cher. Premier employeur de ce territoire grâce au travail des professionnels et des familles rémunérées pour leur accueil au long cours, ce centre a mis en place au fil du temps un dispositif exemplaire de resocialisation des patients.
En novembre 2020, dans l’Allier, sur une route de la commune de Saint-Bonnet-Tronçais à six kilomètres d’Ainay-le-Château, cette scène banale est le symbole d’une autre façon d’envisager et de soigner la maladie mentale : dans la voiture du triporteur que conduit Sylvie est assise Sophie. La première est l’accueillante de la seconde, qui est l’une des patientes de l’hôpital à quelques kilomètres de là. Sophie, qui attend son agrément pour pouvoir à son tour piloter ce drôle d’engin où elle est installée, a adhéré à l’association dont son accueillante est l'une des bénévoles, Un Vélo sans âge, qui pallie l’isolement des personnes à mobilité réduite ou porteuses de handicap. Elle-même en situation de handicap psychique, Sophie tient, comme son accueillante, à mettre sa disponibilité au service des plus vulnérables.
Au cœur de la thérapie : les familles d’accueil
Vivre au sein d’une famille plutôt que dans l’enceinte de l’hôpital est pour Sophie une chance, une opportunité « pour rencontrer d’autres gens qui n’ont rien à voir avec le CHS » et surtout « se sentir utile aux autres ». Auparavant professeure de piano, elle était pressentie pour donner des concerts dans les maisons de retraites avoisinantes. Mais ce projet a été provisoirement suspendu à cause de la crise sanitaire, comme bien d’autres activités mêlant des habitants et des patients au sein des cinq communes « accueillantes » du centre hospitalier spécialisé. Depuis trois ans, Sophie vit dans une petite maison indépendante, qui dispose d’une chambre individuelle où elle a pu installer son piano électrique. Elle profite aussi d’une cuisine équipée et d’une salle de bains qu’elle partage avec une autre résidente du centre, elle aussi accueillie par Sylvie. La capacité à mener une vie active pour tenter de se reconstruire est une clé du mieux-être des personnes. Comme l’explique Sylvie à propos des deux patientes qu’elle héberge, « c’est important qu’elles aient des activités extérieures, comme tout le monde, qu’elles n’aient plus en permanence cette étiquette de patiente. J’essaye de passer du temps de loisirs avec chacune d’entre elles, pour qu’elles aient une vie sociale la plus épanouissante possible. »
À quelques rues de l’hôpital d’Ainay-le-Château, Sylvie exerce le métier d’accueillante depuis vingt ans, grâce à sa maison annexe où elle héberge deux patientes – Sophie, mais aussi Violetta, ici de dos. Et elle dispose, dans le domicile familial, d’un lit de substitution, pour leurs proches s’ils souhaitent les visiter, ou pour un autre patient du centre à héberger de façon provisoire, par exemple si sa famille d’accueil part en congés. « Nous prenons en charge chaque personne de façon individualisée, dit Sylvie. Nous nous occupons de la nourriture, du logement, de la blanchisserie, de l’accompagnement lors des visites à l’extérieur. C’est un métier 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. » La rémunération de chaque famille d’accueil thérapeutique est de 1 500 euros par mois et par patient en présence complète. « Mais ce salaire ne peut absolument pas être le seul moteur, sinon on ne tient pas longtemps. Car Il y a des moments durs, qui nécessitent l’accompagnement de professionnels du centre. » Malgré ce constat, la passion de Sylvie pour sa profession a convaincu sa fille ainée, âgée de trente ans, de devenir elle aussi accueillante familiale, dans le village proche de Saint-Bonnet-Tronçais.
Pour Sandy (qui marche devant les chevaux), le choix de devenir famille d’accueil, il y a maintenant trois ans, lui a appris à travailler : « Surtout sur moi, plaisante t-elle. Les patients nous apprennent… à être patients. C’est l’effet miroir ! Il est impératif que l’on se sente apaisé pour qu’eux se sentent bien. » Cette ex-agent immobilier, très investie dans le milieu associatif, ne regrette pas cette reconversion professionnelle, tant elle apprécie « cette qualité de vie géniale qui te donnent l’opportunité de partager beaucoup de moments avec les patients et les enfants ». En effet, l’accueil familial doit être par essence un projet partagé et accepté par tous les membres de la famille, tant il représente pour le patient un substitut rassurant et un tremplin pour son projet d’autonomisation de vie. « Même s’il y a des petites rivalités inhérentes, comme dans une fratrie, mes trois enfants sont très attachés aux personnes accueillies. Quand ils rencontrent des personnes portant les stigmates de leur pathologie sur leur visage, je ne vois pas de marque de rejet chez mes enfants. Ils intègrent cette différence physique comme celles du poids, de la taille ou du port de lunettes. »
Un dispositif rôdé entre accueillis, accueillants et professionnels du soin
Le degré d’autonomie variant beaucoup selon les patients, « il existe autant d’emplois du temps pour un accueillant qu’il y a de patients. Les familles d’accueil ont une importance primordiale dans le projet thérapeutique du patient. Nous devons dès lors rester à leur écoute, car sur le terrain elles sont nos yeux et nos oreilles », explique Martine Vidal, cadre de santé et responsable de l’AFT (accueil familial thérapeutique) de l’hôpital. C’est elle qui veille au jour le jour sur ce très fragile, mais précieux équilibre au quotidien, entre les trois sortes de « partenaires » au service de cette thérapie partagée : les patients ou accueillis d’une part ; les familles d’accueil d’autre part ; et puis bien sûr les équipes soignantes de l’hôpital. Il faut parfois, par exemple, opérer des changements de famille, afin de corriger des soucis apparus sur le terrain ou juste pour faire évoluer le projet thérapeutique. Celui-ci n’en reste pas moins très fortement cadré par l’institution, en particulier via un contrat d’accueil personnalisé pour chaque patient, mais aussi des réunions régulières entre représentants de toutes les parties prenantes du soin – patients compris. De fait, la reconnaissance du potentiel thérapeutique de l’accueil au sein de familles, formées et accompagnées par l’hôpital pour cette mission dans le contexte non médicalisé des villages concernés, concrétise selon Martine Vidal une alchimie unique entre « le savoir profane des familles et les compétences des professionnels de la psychiatrie ».
Les origines de la démarche psychiatrique d’Ainay-le-Château, village médiéval de mille habitants au nord-ouest de l’Allier, remontent à l’année 1900. À l’époque, des psychiatres progressistes, révoltés par les conditions d’accueil dans les grands hôpitaux parisiens et inspirés par le modèle écossais du « no restraint » et de « l’open door », expérimenté depuis 1830, décident d’envoyer à titre expérimental certains patients vivre dans des familles de « nourriciers ». Un siècle plus tard, la « colonie familiale » est devenue un centre hospitalier spécialisé, et les familles de « nourriciers » se sont professionnalisées, formées pour devenir des accueillants thérapeutiques salariés par le CHS, hébergeant chez eux des patients venus de la France entière. Le CHS de Cadillac, en Gironde, fondé dès 1838, n’a qu’une capacité de 25 places en accueil familial thérapeutique, tandis que le centre hospitalier Saint-Anne à Paris en compte 27. Fort de ses 328 patients dans 164 familles différentes, le CHS d’Ainay-le-Château fait donc figure d’exception. La cause est-elle à chercher dans la difficulté à réunir les conditions indispensables à la réussite d’un tel dispositif ? De fait, trouver des logements qui remplissent les normes de confort minimal exigées pour devenir famille d’accueil n’est pas toujours aisé, considérant le prix du mètre carré, surtout dans les grandes métropoles. Il n’en reste pas moins qu’au regard du coût élevé de la prise en charge hospitalière des pathologies psychiatriques et des avantages, en termes de soins, de resocialisation des patients mais aussi de bénéfices pour des économies locales, la démarche semble séduire à nouveau. Et si les dispositifs d’accompagnement des patients hors les murs de l’institution, pourtant très anciens, étaient en train de redevenir aujourd’hui une voie d’avenir ?
Avant de pouvoir entrer en accueil familial, le patient est hospitalisé une quinzaine de jours dans l’unité d’accueil du CHS, où il passe des entretiens avec le ou la psychiatre, le médecin, les infirmiers et infirmières. Les observations et évaluations pluridisciplinaires déterminent la possibilité d’une intégration ainsi que le profil de la famille qui lui est proposé. « On essaie de respecter au maximum les choix des patients admis dans cette prise en charge, car la compatibilité, la bonne entente entre le patient et sa famille d’accueil sont cruciales dans le processus thérapeutique de resocialisation », précise Martine Vidal, qui pilote l’accueil familial thérapeutique. Les familles, disposant d’un statut de salarié de l’hôpital, sont dès lors choisies minutieusement par une équipe pluridisciplinaire (psychiatre, psychologue, assistante sociale, cadre de santé, directeur ou directrice des soins), dont les membres rencontrent la famille candidate chacun à leur tour. En plus de leur aptitude à offrir à la personne un accueil confortable et de qualité, les « accueillants » doivent avoir un « profil empathique et une capacité d’écoute forte », même s’ils sont évidemment formés pour l’accompagnement de leurs « accueillis » dans leur projet de restauration de leurs capacités relationnelles, d’autonomie et de resocialisation.
L’accompagnement des patients… et des familles d’accueil
Quelques mois après leur arrivée en famille d’accueil, les patients passent un test ELADEB (Échelles lausannoises d'auto-évaluation des difficultés et des besoins) pour élaborer leur propre projet d’accompagnement, qui comprend notamment de la remédiation cognitive, de l’ergothérapie et des ateliers d’éducation thérapeutique. Grâce à des cartes illustrées, le patient participe à la mesure de ses problématiques et priorités de soins. « Au-delà de sa dimension ludique qui facilite la communication avec le patient, le test ELADEB est l’une des clés du projet thérapeutique du patient, car il le rend acteur de l’évaluation de ses besoins, donc de sa prise en charge », explique Camille, psychologue spécialisée en neuropsychologie.
À droite sur la photo, Saravong souffre de diabète. C’est pourquoi il reçoit chaque jour la visite de Béatrice, depuis six ans infirmière référente de 20 patients sur le secteur d’Ainay-le-château (qui en compte au total 75). Une fois dans leur famille d’accueil, les patients bénéficient en effet d’un suivi médical régulier.
L’un des points cruciaux est la prise de médicaments. Ce sujet est récurrent lors des rendez-vous avec l’infirmière de référence. La famille d’accueil doit veiller à ce que les traitements soient strictement suivis par les patients. La formation des accueillants aborde ce point, en leur suggérant des astuces : être présent face au patient, en parler pour être certain que les cachets sont bien avalés, etc., mais sans jamais se positionner en « surveillant ». Tout souci ou même toute suspicion justifient de contacter un soignant ou un responsable de l’hôpital, qui prend le relais si le problème est avéré.
La vigilance dans le suivi des patients concerne tous les acteurs, et l’hôpital a mise en place des méthodes pour l’assurer. Comme l’explique par exemple Béatrice, à propos de sa mission d’infirmière : « Pour éviter de nous installer dans une routine et nous permettre de rester efficaces et perspicaces dans notre mission d’observation thérapeutique, le CHS a mis en place un roulement : je vais bientôt finir mon cycle de travail de six ans à l’extérieur de l’hôpital et en débuter un nouveau à l’interne. Je suis un peu triste de quitter les patients et les familles que je suivais, car j’ai tissé avec eux des liens forts. Mais je suis fière d’avoir participé à la sortie de deux patientes, dont une qui a emménagé dans un appartement.
« Ici, on travaille main dans la main avec l’équipe hospitalière qui est réactive 24 heures sur 24 », explique Sylvie (au centre de l’image). Accueillante depuis l’âge de ses dix-huit ans, et ceci depuis maintenant quarante deux ans, elle a vécu la mise en place progressive d’une vraie reconnaissance professionnelle de son emploi en métier à part entière. Depuis 1992, par exemple, les formations continues qu’elle a suivies sur la bienveillance et sur l’hygiène ont été rendues obligatoires par les autorités de santé. Sensibilisée à la gestion de la douleur par une formation dispensée à l’hôpital, elle surveille « toutes les mimiques, les postures de mes patients, car la souffrance psychique s’exprime souvent par le corps ». Comme le confirme Béatrice, « les traitements parfois très lourds des patients diminuent fortement la sensation de douleur. Il faut donc faire attention aux détails de comportement », car seul ce type de vigilance permet d’anticiper des moments de crise, pouvant si l’on n’y prend gare se transformer en situations d’urgence médicale.
Autre clé majeure du dispositif d’accueil familial thérapeutique : cette expérience, ce savoir-faire, Sylvie les partage dans un groupe de paroles destiné aux familles d’accueil. « Un moment où l’on se fédère entre accueillants, où l’on peut échanger sur les pratiques ou rassurer celui qui se sent dans l’impasse. Les jeunes familles d’accueil m’ont surnommé Maman ! »
Les ateliers de réhabilitation psycho-sociale dans l’enceinte de l’hôpital
Les patients bénéficiant de l’AFT gardent le lien avec l’hôpital. À raison de plusieurs demi-journées par semaine, près d’une moitié d’entre eux participent à des activités « non médicamenteuses », en particulier d’ergothérapie, de création ou de sport, prescrites par le psychiatre et dispensées par des professionnels médico-sociaux. Les ateliers jalonnent le projet d’autonomisation et de réhabilitation sociale du patient. « On veille toujours à finir la séance sur une note positive, témoigne Charlotte, monitrice éducatrice (à gauche). Même s’ils ont eu des difficultés sur l’activité, il y a toujours un petit truc qu’ils ont réussi à faire. Il est important, pour des patients souffrant d’une carence d’élan vital, de repartir avec un sourire plutôt que sur un sentiment d’échec. Même si l’atelier est d’abord thérapeutique, il doit susciter du plaisir et l’envie de revenir le lendemain. »
À l’étage supérieur du bâtiment d’ergothérapie, dans une salle fonctionnelle que Charlotte projette de « customiser » en décor de théâtre, les patients mettent en scène des textes qu’ils ont écrits en binômes. « Ce groupe d’atelier théâtre, homogène, est composé de patients très réservés, dit-elle. Leurs textes racontent des situations vécues par eux-mêmes ou qu’ils pourraient vivre demain. Ils doivent se les approprier. Ils en jouent des saynètes, en répétition puis devant le groupe, pour démystifier la prise de parole et anticiper des situations de vie quotidienne, par exemple au sein de leur famille d’accueil, qui, demain, pourraient les mettre en difficulté relationnelle. » Stoppé pendant le premier confinement du printemps, l’atelier a repris avec des conditions d’hygiène et de distanciation sociale drastiques. « Mais il a fallu tout recommencer du long processus de prise de confiance en eux-mêmes et les uns vis-à-vis des autres, continue l’éducatrice. Quand je les entends rire et que je les voie lâcher prise avec le texte pour arriver à l’improvisation, je crie victoire, pour eux et pour moi aussi. »
L’objectif de la douzaine d’activités en petits groupes, allant de l’encadrement à la poterie en passant par l’imprimerie, la couture ou encore la mosaïque, est de contribuer à l’évolution vers l’autonomie de patients dont le relationnel a été altéré par leur vécu, mais aussi parfois de longues hospitalisations en secteur fermé. Nathalie travaille ainsi avec les éducatrices sur la concentration et la patience. « Avant d’intégrer l’atelier de création, elle pouvait se mettre en colère très rapidement, explique Charlotte. Grâce au travail manuel, elle est devenue plus pondérée. Peu à peu, Nathalie reprend confiance en elle et peut même, désormais, proposer elle-même un projet de création qui lui tiendrait à cœur. »
Dans la salle voisine, Valérie, animatrice et éducatrice, pilote depuis un an et demi l’atelier rotin pour plusieurs patients, dont Charlène. Cette activité est préconisée pour les personnes souffrant de sévères crises d’anxiété, car elle monopolise toute l’attention de la personne sur l’objet à réaliser. Outre la finalité thérapeutique, les ateliers sont aussi sources de revenus pour l’association des Œuvres sociales de l’hôpital (Caisse de solidarité et de loisirs). En effet, la vente des objets réalisés pour un public extérieur permet l’achat de matériel, l’organisation de séjours de vacances, et la mise en place de prêts remboursables pour les patients les plus démunis. « Moi, je me dis que si j’arrive à faire des objets qui me plaisent, ils pourront être aimés aussi par d’autres, confie Charlène. Avec cela, j’aurais l’impression de plaire aux gens. » Une petite valorisation qui, ajoutée à toutes ces activités lui redonnant confiance, l’aidera peut-être demain à prendre un appartement seule, à intégrer un foyer d’hébergement ou un établissement et service d’aide par le travail (ESAT).
L’atelier menuiserie est idéal pour les patients plus avancés dans leur projet thérapeutique. « L’utilisation des machines de travail du bois implique évidemment une prise de risque, explique Philippe, l’animateur (à droite sur la photo), mais elle est nécessaire pour permettre aux patients de se responsabiliser, notamment sur les enjeux de sécurité... D’autant qu’Emmanuel (à gauche) a un projet de sortie imminent en foyer occupationnel. » Les objets sont souvent fabriqués en binôme, pour former également au travail en équipe. « Lorsque l’enjeu est pour le patient l’intégration prochaine dans l’équipe professionnelle d’un ESAT, continue Philippe, on augmente la cadence avec deux activités par jour, afin de lui permettre au patient de s’adapter à un rythme productif bien plus soutenu qu’à l’hôpital. »
Pour la resocialisation, le rôle essentiel des activités en extérieur
Autre activité d’ergothérapie, cette fois à l’extérieur : l’atelier jardin est encadré par trois professionnels. Une trentaine de patients de l’AFT le fréquentent. Damien apprécie tout particulièrement cette activité qui l’apaise et lui fait oublier la maladie, qui l’a tenu éloigné de sa famille et hospitalisé en secteur fermé dès l’âge de 13 ans.
Laurent, à l’arrière plan, référent de l’atelier thérapeutique Jardin, puise dans cette activité de culture de fleurs et d’embellissement des espaces verts de l’hôpital son espoir et sa détermination à faire progresser « ces jeunes patients qui peuvent peut-être sortir un jour totalement de la structure hospitalière ». Ces ateliers sont aussi « un entretien de la mémoire collective », car chaque année, les patients s’investissent dans la culture de chrysanthèmes, destinés à fleurir les sépultures des patients de l’établissement, inhumés dans le cimetière d’Ainay-le Château. « Et cela leur tient à cœur ! », conclut Laurent.
Le CHS a mis en place un service de transport appelé l’Ergobus qui, deux fois par jour et sur deux lignes différentes, assure le transport des patients vers le centre hospitalier. Les horaires et les lieux de rendez-vous du bus sont à respecter scrupuleusement. « C’est une autre occasion pour les patients de se prendre en charge, de reconstruire une autonomie », explique Dominique, ambulancière (à gauche). « À Ainay-le-Château, tout le personnel est impliqué et a un rôle à jouer dans l’évolution du patient ». Cette ancienne aide soignante s’enquiert chaque matin du bien-être des usagers du bus. « Car un sourire ou même des mots sur le temps qu’il fait peut adoucir la journée du patient », et ces interactions, même si elles paraissent anodines, participent pleinement à la resocialisation du patient.
Pour Bertrand, qui attend toujours avec impatience son heure d’équitation hebdomadaire, l’accueil familial thérapeutique et les activités hebdomadaires d’ergothérapie semblent avoir porté leurs fruits. Même en cette période de crise sanitaire peu propice à la prise de risque, il mène des activités qu’il a choisies lui-même, dans la commune hors de la bulle hospitalière. « Car notre but, c’est qu’ils n’aient plus besoin de nous pour accéder à des activités extérieures », assure Charlotte. En plus de l’équitation, Bertrand est un membre actif du comité de l’association des Œuvres Sociales du CHS et il n’hésite pas à donner son avis lors des réunions sur l’organisation de tous les événementiels.
L’horizon de la resocialisation des patients : la sortie
Pour Mickael, l’accueillant, cette journée est très spéciale : Valérie s’apprête à prendre son propre appartement, après deux années de vie dans le petit studio indépendant, situé à l’étage de sa maison – lui occupant l’appartement du rez-de-chaussée. « Valérie a été ma première patiente accueillie, et nous avons su créer un vrai lien. Nous garderons le contact. Je l’ai vue évoluer. Elle m’a impressionnée par son courage et sa volonté de s’en sortir. Pour cette première expérience professionnelle, je me suis senti très bien épaulé par les équipes de l’hôpital et je suis très fier d’avoir participé à la sortie de Valérie. »
Malgré cette satisfaction d’avoir pu accompagner le patient vers une sortie, la séparation est parfois mal ressentie, la faute à trop d’attachement. Là encore, l’équipe médicale a un rôle à jouer, mais dans l’accompagnement de l’accueillant… Comme l’explique Martine Vidal, responsable de l’accueil familial thérapeutique du centre hospitalier, « on prend du temps pour expliquer aux familles que c’est la valeur et la qualité de leur accompagnement qui ont permis le départ de leur patient ».
La même journée, Valérie se rend à son futur appartement pour l’état des lieux, à quelques rues du domicile de son accueillant. Elle met son nouveau trousseau de clefs sur son porte-clefs fétiche, offert par sa sœur. De ces deux années passées chez Mickael, Valérie témoigne qu’elles ont été salvatrices « pour partir à la recherche de moi-même, tant je me suis perdue à vouloir être invisible aux yeux des autres ». Après deux années en hospitalisation hors les murs grâce à sa famille d’accueil, elle continuera néanmoins à être suivie en ambulatoire par le CHS d’Ainay-le-Château, accompagnée par l’assistance sociale de l’hôpital. Des sorties de patients « resocialisés », le CHS en dénombre au moins une vingtaine par an.
Données en plus
Sur 388 patients, 328 sont répartis dans 164 familles d’accueil, parmi lesquelles une majorité de femmes (141). Prix de Journée en intra : 229,64 euros/ jour. Prix de Journée en AFT (Accueil familial thérapeutique) : 153,62 euros par jour. Forfait journalier à la charge du patient (avec des aides pour ceux ne pouvant payer) : 15 euros par jour. Moyenne d’âge des patients : 54 ans pour les hommes, 52 ans pour les femmes. Moyenne d’âge de la famille d’accueil : 50 ans.
Chaque année sont retenues en moyenne 30 nouvelles candidatures de famille d’accueil. Dossiers patients adressés au CHS en 2019 : 110. Patients admis : 21. Provenance des patients : 57% Allier, 37% Ile de France, 6,5% Centre, 6,6% Auvergne / Rhône-Alpes, 2,2% Limousin, 6,3% autres.