EnSSemble est une plate-forme numérique destinée aux « bonnes volontés » pour lesquelles l’accès au monde de l'économie sociale et solidaire (ESS) demeure ardu. Elle se veut « l'assistant personnel de votre parcours du changement » et se donne pour mission de « vous aider à #FaireAutrement ». À l’instar d’autres projets de plateformes (tel de La Fonda et du Commissariat général à l’égalité des territoires), l’association devrait bientôt décliner ce guide à l’échelle de chaque région de France.
Selon Sabine Pradelle, cofondatrice de la plateforme EnSSemble.org, l'ESS demeure en 2018 trop méconnue du grand public, des jeunes notamment. Plus étonnant : les collectivités locales et même certains des acteurs de l’économie sociale et solidaire ne connaissent guère les projets qui valent le coup dans leur propre ville ou région. La plupart des initiatives restent par ailleurs dispersées, et très peu connectées entre elles. D’où la mission que se donne EnSSemble.og : faciliter l’accès à toutes les informations sur l’ESS, et proposer des outils et ressources documentaires pour favoriser la prise de connaissance, l’engagement des citoyens et la mise en place de projets à l’échelle des territoires.
Depuis février 2018, le site a acquis une plus grande dimension pratique. Se voulant « l’assistant personnel » de ceux qui souhaitent un tant soit peu s’engager, il propose quatre entrées pédagogiques : « Découvrir » (l’ESS) ; « S’informer » ; « Agir » ; et « Se former ». Que ce soit pour « consommer responsable », « trouver un accompagnement » ou comprendre la façon dont marche la « finance participative », il propose pas mal de clés. Mais il se donne pour objectif d’aller bien plus loin et de devenir à terme une vraie plateforme d’accès, par région, à des projets dans la France entière – d’où les appels à ce chaque visiteur informe EnSSemble sur des initiatives intéressantes de sa région. Enfin, le site possède toujours, comme dans sa version précédente, des témoignages et contenus plus subjectifs, sauf qu’ils sont désormais réunis dans « le blog pour #faire autrement ».
Ainsi cette rubrique de « héros du quotidien », où les mots de Mathilde croisent ceux de Christine en Bretagne ou de Renaud dans la région de Toulouse : « Nous avons fait le choix de lancer cette série d'articles pour dire au plus grand nombre qu'il n'y a pas un modèle de citoyen parfait mais bien une multitude de #HerosDuQuotidien. Un héros du quotidien est une personne optimiste et courageuse. Ce n'est pas un être parfait ni un super-héros. Absolument pas. C'est une personne qui agira spontanément parce que ses choix lui ressemblent et qu'elle a eu le courage de s'extraire des injonctions du citoyen parfait. Vous êtes très nombreux. Vous agissez comme une vague positive qui emporte la société sur un chemin de changement. Plus éthique, plus empathique, plus respectueuse et plus sobre. Il est temps de révéler vos visages et vos différences. Nous avons donc choisi de vous donner le parole toutes les semaines afin de partager votre histoire, vos engagements, vos doutes et vos coups de gueule ! »
Un projet qui répond à la nouvelle dynamique de l’ESS
C'est sur le terrain que Sabine Pradelle a découvert l’économie sociale et solidaire, via Almamaterre. Soit la création, il y a dix ans dans le Gers, d’un « site de 35 hectares pour vivre et expérimenter le développement durable en rassemblant tout ce qui peut contribuer à l’information, à la formation et à la recherche sur ce thème. » Puis elle a rejoint le Conseil général du Gers afin de mettre sur pied un Pôle d'Excellence Rural (PER) visant à promouvoir la dynamique de l'éco-construction et de la performance énergétique. C’est forte de ces deux expériences qu’elle a créé en avril 2013, avec Christian Harel, l’association à but non lucratif EnSSemble.org, et en est devenue la présidente. Après avoir été testé en Midi-Pyrénées, le portail Web est né deux ans plus tard. Grâce à des guides pratiques localisés, il recense les ressources offertes par des acteurs de terrain toujours plus nombreux. Objectif : « Accompagner les différents acteurs de l’innovation sociale – collectivités, porteurs de projets entrepreneurs et citoyens – à chaque étape de leur engagement. »
L’ESS a beaucoup évolué en très peu de temps, explique Sabine Pradelle : « À l’origine, elle était ultra-institutionnalisée, avait une définition précise, correspondait à des statuts juridiques, etc., tout était très cadré. Elle était représentée par des têtes de réseau, mais on la connaissait finalement assez peu. Deux choses ont tout récemment changé la donne : d’une part la loi ESS de juillet 2014 a ouvert ce secteur à toutes les entreprises, ce qui a été une révolution dans son développement ; d’autre part l’engagement citoyen va aujourd’hui crescendo. »
Comment, dès lors, expliquer son manque de notoriété ? « L’ESS est confrontée, d’un côté aux VIP de l’innovation sociale, des capital riskers qui cherchent des développements fulgurants ; et de l’autre à une mobilisation citoyenne qui ne rentre pas dans ses cadres. Le véritable enjeu, pour l’ESS, est de trouver ses marques pour profiter de ce changement de contexte. » D’où l’importance de présenter de manière accessible, pratique et localisée les ressources permettant de la connaître et de la comprendre. « Nous sommes convaincus que pour grandir, l'ESS a non seulement besoin d'entrepreneurs, mais aussi de l'action des citoyens et de l'aide des collectivités locales. C'est un monde en pleine effervescence qu'il est difficile d'appréhender. Nous avons cherché à en faciliter l'accès à tous. »
Bientôt un site décliné par régions, sujets et stades du parcours
Le portail a lancé en février 2018 sa « V2 », et espère pouvoir l’enrichir dans l’année qui vient : l’idée est d’offrir un accès par régions aux initiatives les plus parlantes, afin d'apporter des réponses au plus proche des citoyens, des entrepreneurs et des collectivités engagés. Un travail colossal, réalisé par deux personnes seulement. « Mais nous nous appuyons sur un très grand réseau de contributeurs territoriaux qui nous font remonter les informations. »
Le nouveau site se déclinera donc en plateformes régionales, dans une approche locale et opérationnelle visant à favoriser la création ou le développement d'entreprises locales, la réinsertion des publics fragiles au sein de leur région, l'engagement citoyen… L’ambition est d’offrir plusieurs portes d’entrée aux visiteurs : la présentation des médias de l'ESS, locaux et nationaux, et de ceux qui en sont proches ; la recension de l'ensemble des possibilités d'action pour les citoyens désireux de s'engager ; une base de données actualisée de toutes les formations transversales à l'ESS en France ; une base de données régionale des dispositifs (et non des structures) d'accompagnement à la création d'entreprise de l'ESS ; une autre base de données régionale, mais des dispositifs de financement des entreprises de l'ESS ; et enfin toutes les actions concrètes possibles pour les collectivités. « L’idée est d’apporter des réponses à tous, de façon vraiment transversale, à la fois aux différents stades du parcours – découvrir, s’impliquer, agir – et sur nos sujets de prédilection. »
Un média de connaissance totalement indépendant
EnSSemble fonctionne en autonomie quasi complète, ne percevant qu’une aide de Toulouse Métropole, partenaire de longue date. Et sa fondatrice n’escompte pas chercher d’autres soutiens institutionnels : « Pour avoir une totale liberté d’expression et pouvoir représenter les petits comme les grands acteurs. Nous voulons atteindre une espèce d’objectivité, en nous préservant de toute influence potentielle de tiers financeurs, qui pourraient orienter notre capacité à dire, par exemple, que des “petits” font des trucs géniaux. »
Le temps, plus long qu’anticipé, pour aboutir ce projet n’est-il pas une conséquence de cette volonté d’indépendance, qui passe par des subventions sans contreparties – à l’instar de celle de la Ville de Toulouse – et surtout par du bénévolat et la participation d’un grand nombre d’acteurs concernés ? La démarche d’EnSSemble rejoint celles d’autres qui, ayant eux aussi choisi de devenir des plateformes de multiples initiatives de solidarité, grandissent pas à pas. Il en est ainsi d’ADRETS (« Développer l’accès aux services dans les territoires ruraux ») dans les Alpes, ou sur un autre registre de Europe Tomorrow, qui a prévu pour 2018 d’élargir au monde entier son scope jusque-là européen. Enfin, il semble essentiel de citer ici l’ambitieux et plus « officiel » projet de « banque de l’innovation sociale au service de l’expérimentation dans les territoires » que construisent La Fonda et le CGET (Commissariat général à l’égalité des territoires) avec le soutien de la Délégation interministérielle à l’Économie sociale et solidaire. Annoncé pour l’automne 2017, lui aussi a pris du retard par rapport aux souhaits de départ de ses initiateurs.
Ce futur « Carrefour des innovations sociales », tout comme les développements à venir d’ADRETS, de Europe Tomorrow ou bien évidemment d’EnSSemble démontrent s’il en était besoin l’importance de la mise en visibilité des projets les plus exemplaires de solidarité sociale, partout en France, voire dans le monde… Mais aussi de la difficulté à mettre en place de telles plateformes !