La ferme des possibles : du bio au cœur des quartiers

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C’est à Stains, ville de la Seine-Saint Denis, qu’une bande de copains a réussi à faire sortir de terre une filière agro-alimentaire 100 % bio, 100 % urbaine. Une réussite économique, mais surtout sociale, faisant travailler des jeunes apprentis et des personnes handicapées dans un projet qui motive aussi des écoles et qui, in fine, réinvente le « vivre ensemble ».

C’est un terrain d’1,2 hectare, où poussent potirons, poireaux et autres légumes. En regardant vers le sud, on aperçoit un alignement de ruches. Il y a même des canards qui pataugent dans la mare. On pourrait se croire à la campagne. Mais non, nous sommes au beau milieu d’une zone d’activités, en proche banlieue parisienne. Non loin, les RER passent et repassent. Ambiance.

Depuis 2014, grâce à cette concession faite par la mairie de Stains, Mohamed Gnabaly et son équipe surfent sur la mode de l’agriculture urbaine. Mais la reconnexion avec la nature n’est pas le seul objectif de l’initiative. L’autre ambition, c’est de créer un pôle économique, source d’emplois et de richesse dans cette partie de la Seine-Saint Denis, avec qui plus est une vraie dimension sociale.

Une économie à taille humaine

Mohamed Gnabaly n’en est pas là par hasard. Avec quatre camarades, il a lancé sa petite entreprise quatre ans plus tôt, en 2012. Ensemble, ils créent Novaedia, fournisseur de paniers de fruits bio et de plateaux de petits déjeuners aux entreprises. Ces jeunes nés du « mauvais côté » du périphérique parisien, tous Bac +5, excédés d’être trop souvent victimes de discrimination à l’embauche, ont décidé de créer leur propre activité économique. Succès immédiat.

En 2016, les entrepreneurs changent d’échelle et investissent cet ancien jardin communal laissé à l’abandon, à Stains. Avec leurs fonds propres, ils réaménagent l’espace, bâtissent une serre, creusent la mare aux canards. « Nous ne voulons pas être dépendants des banques et autres organismes de crédit », précise Mohamed. Pas de crédit : c’est la politique maison. Mais sur les 450 000 euros d’investissements, 150 000 proviennent d’aides de l’État, du département et de la municipalité.

Nouveauté fortement symbolique : en 2016, l’association « La Résidence Sociale » fait son entrée dans le capital de Novaedia. Elle accueille et accompagne les personnes vivant avec un handicap mental, qui souffrent tout autant que les « minorités visibles » de discrimination, notamment à l’embauche. Un partenariat logique, selon le « patron », qui explique : « Ici, c’est un peu comme l’auberge espagnole. Il y a de la place pour tout le monde. » Parmi le personnel, des travailleurs handicapés donc côtoient des apprentis, des bénévoles d’associations locales et des personnes en situation de réinsertion. Mais pas question de parler d’aidés et d’aidants ! « Nous sommes tous au même niveau », explique Julien Besnard, le chef de projet. Pour Novaedia, l’économie est indissociable de l’humain. Certes, il faut être « productifs », mais pas à tout prix : l’épanouissement personnel des salariés est privilégié autant sur le plan professionnel que financier. Tous, quelle que soit leur fonction, sont même invités à devenir associés. On en compte 17 pour le moment. La redistribution des gains se fait d’abord via le salaire, évidemment, sachant que les bénéfices sont pour le moment réinjectés dans l’entreprise. Mais la structure fonctionne d’une certaine façon comme une association : le patron soumet au vote son budget, et plus largement ses décisions les plus impactantes. Chacun à son mot à dire.

Une ferme modèle qui essaime

Résultat : grâce au nouveau jardin, ces jeunes ont réussi, en quelques mois seulement, à mettre en place une filière agro-alimentaire complète, avec un lieu de production et un laboratoire de transformation qui se situe quant à lui à Saint-Denis. Julien Besnard a pour mission de trouver les débouchés commerciaux à leurs produits 100 % bio. Pour l’heure, seuls 25 % de la surface de la « ferme des possibles » est exploité, mais la jeune société arrive déjà à produire environ deux tonnes de denrées alimentaires par saison. L’exploitation à plein régime et l’ouverture au grand public sont prévues courant 2017.

En complément de cette activité économique, la ferme est devenue un outil d’accompagnement et d’enseignement pour de nombreuses écoles et associations locales comme France terre d’asile. Il n’est d’ailleurs pas rare de voir déambuler les enfants dans les allées de cette exploitation agricole en pleine ville.

La ferme continue à s’étendre. Un abri pour le matériel agricole verra le jour prochainement. Des arbres fruitiers viennent d’être plantés. D’après Julien Besnard, il faudra attendre un an pour récolter les premiers fruits, mais six ans pour obtenir un rendement maximal. Un café complétera les installations d’ici fin 2017. Il s’agit d’accentuer l’implantation de la ferme dans la vie locale en permettant aux habitants de se rendre sur les lieux pour prendre une tasse de thé ou assister à un concert au milieu des légumes.

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17 salariés « associés » au projet. La redistribution des gains se fait d’abord via le salaire, évidemment, sachant que les bénéfices sont pour le moment réinjectés dans l’entreprise.
Pour l’heure, seuls 25 % (1,2 ha) de la surface de la « ferme des possibles » est exploité, mais la jeune société arrive déjà à produire environ deux tonnes de denrées alimentaires par saison. L’exploitation à plein régime et l’ouverture au grand public sont prévues courant 2017.