« C’est plus qu’un beau concept, car ça se pratique, ça se voit et ça se boit ! » Agathe Anquetil, membre de l’association solidaire Café suspendu, ne tarit pas d’éloges sur l’initiative du café en attente. Le principe ? Offrir un café à un inconnu démuni qui viendra le déguster plus tard. Un geste à la portée de chacun, que chaque bistro ou resto peut soutenir.
C’est juste un petit geste, mais qui peut apporter une bouffée de chaleur : offrir un café à un inconnu qui n’a pas les moyens de se le payer. Si la plupart des cafés ne le pratiquent plus, certains à Paris, Dijon, Lille ou Montpellier ont dorénavant apposé le sticker « café solidaire » sur leur façade, renouant avec une tradition oubliée. Une carte des commerces affiliés est d’ailleurs disponible sur le Net, et il vous suffit de la partager dans votre réseau pour que cette initiative assez méconnue soit de mieux en mieux médiatisée…
Au départ, une tradition napolitaine
Le principe est simple : on règle au commerçant la note du café suspendu, en plus du sien. Ce dernier sera distribué ultérieurement et sans condition à toute personne qui viendra le réclamer. L’idée s’inspire d’une vieille tradition napolitaine du « Caffè Sospeso », qu’il s’agit de moderniser pour en faire un système de partage et un levier de cohésion sociale grâce aux nouvelles technologies utilisées pour déployer le concept. A l’origine, dans la première moitié du siècle dernier à Naples, il s’agissait de mettre en place une cagnotte pour les jours où certains commerçants n'auraient pas fait de bonnes affaires et ne pourraient donc pas se payer leur café quotidien. De cette entraide communautaire on en est venu à une solidarité élargie à l’ensemble de la ville. Puis le concept s’est exporté à l’étranger, avant de tomber en désuétude.
C’est en 2013 que l’initiative, dans le sillage du mouvement des Indignés, a fait une entrée remarquée dans l’hexagone. Depuis, elle s’y est enracinée. Entre 2014 et 2015, 2000 dons ont uni 3000 donatrices et bénéficiaires. Néanmoins, le Café Suspendu, s’il séduit, peine à s’étendre. « Aujourd’hui, le consommateur potentiel de café suspendu est stigmatisé : on l’assimile uniquement aux pauvres, aux SDF, aux marginaux », déplore Agathe Anquetil, membre de l’association Café suspendu, qui a été créée en décembre 2014 à Marseille. Autre obstacle de taille : la plupart des personnes, y compris les plus pauvres, pensent qu’il y a plus démunis qu’elles. Elles n’osent donc pas demander le café disponible pour elles. Les cafés offerts demeurent donc en attente plus qu’il ne faut. A tel point qu’ils ne sont parfois pas consommés !
Un label pour inviter les commerçants à participer
Pour relancer le processus, l’association Café Suspendu s’est donc donné pour mission de faire de ce geste de partage « un réflexe du quotidien ». Selon un système assez proche de celui du Carillon à Paris, un label et son sticker à mettre sur sa devanture ont suivi, invitant les commerçants et les particuliers à participer activement à ce mouvement de confiance et de solidarité. Le Café suspendu est aussi devenu une marque, permettant la pérennisation financière de l’association. La structure peut en effet agir grâce au soutien de la Fondation Chèque Déjeuner et par une bourse « Idée jeune » du Conseil Général des Bouches du Rhône. Ses frais de fonctionnement dépendent en revanche du bon vouloir des donateurs.
L’audience des cafés suspendus en France est encore loin d’atteindre celle de Naples, qui a été la première ville à relancer elle aussi ce principe oublié, via une journée du café suspendu. Ou de Sofia, en Bulgarie, qui compte désormais 150 cafés participants. Le nombre de volontaires français augmente : on compte aujourd’hui une cinquantaine de commerces labellisés en France, et une vingtaine non labellisés - dont moins d’une dizaine, labellisés ou non, à Paris. Signe encourageant : dans la capitale, les initiatives sont disséminées dans des quartiers très différents les uns des autres. Un café suspendu s’est ainsi installé au sein du collectif solidaire les Grands Voisins, tandis qu’un autre a vu le jour dans le très chic Marais, au Troisième café.
Données en plus
Entre 2014 et 2015, 2000 dons ont uni 3000 donatrices et bénéficiaires.