La boutique solidaire, les collégiens s’y retrouvent

Au collège Beaumanoir de Ploërmel, les élèves de Segpa (Section d'enseignement général et professionnel adapté) en troisième s’occupent depuis 2019 d’une boutique solidaire, New Love, ouverte le vendredi après-midi. À l’instigation de Cécile Roy, professeure d’atelier HAS (hygiène, alimentation, service), cette initiative permet à des jeunes adolescents, en échec scolaire, de reprendre confiance, de se familiariser avec l’économie sociale et solidaire, et de tisser de nouveaux liens avec les enseignants. Reportage réalisé le 28 janvier 2022.

« À l’origine, avec mes collègues professeurs, nous souhaitions créer un projet fédérateur. En 2018, nous avons donc réuni les élèves de tous les niveaux (soit une soixantaine) pour qu’ils s’engagent et choisissent un thème lors d’une grande séance plénière. Nous avions mis quelques contraintes, notamment celle de construire un projet de développement durable en lien avec les ateliers habitat et HAS (hygiène, alimentation, service). L’idée de collecter et vendre des vêtements d’occasion a été retenue », résume Cécile Roy, professeure à l’initiative du projet, dont quelques élèves sont à l’image.

La boutique New Love occupe trois pièces situées dans un appartement de fonction du collège, inutilisé jusqu’alors. Après un coup de peinture, de la récupération de meubles auprès de la recyclerie voisine et un coup de pouce de l’hypermarché du coin pour récupérer des mannequins et récolter des vêtements, le lieu a ouvert en février 2019. 

« La boutique fonctionne parce qu’entre professeurs, nous nous entendons bien, que nous pouvons faire appel à différentes disciplines et à différentes classes pour faire vivre ce projet », souligne Cécile Roy, ici aux côtés de ses collègues et de la directrice de la Section d'enseignement général et professionnel adapté (Segpa). Le collège a pu bénéficier du soutien du dispositif Mon ESS à l’école, lancé par l’Esper (L’économie sociale partenaire de l’école de la République), et accompagné par la Cress (Chambre régionale de l'économie sociale et solidaire). L’Esper fait le lien entre les mondes de l’éducation et de l’économie sociale et solidaire. Elle réunit 43 organisations de l’ESS, associations et fondations, mutuelles,  coopératives, syndicats, etc. Son soutien se concrétise par exemple dans des animations et des interventions de consultants, comme la veille au collège Beaumanoir, avec une initiation autour du thème « Comment gérer son budget », destiné aux élèves de Segpa. Depuis 2016, 340 projets ont été initiés par le dispositif Mon ESS à l’école, touchant 10 000 élèves. 

Suivant le principe des clubs accessibles sur le temps de la pause méridienne (échecs, théâtre, chorale, jeux de société, etc.), il existe un club boutique ouvert à tous les élèves de Segpa le mardi de 12h45 à 13h15. Ici, Gwenaëlle Bozec, professeur de SVT, est venue y faire quelques emplettes : « J’achète essentiellement des vêtements pour mes enfants. »

Vendredi 28 janvier 2022, Mathéo positionne le panneau indiquant l’ouverture de la boutique de 14h30 à 16h30. Sur ce créneau horaire, les élèves de 3e Segpa ne sont donc pas dans une salle de classe. Au lieu de ça, ils investissent la boutique, et c’est donc à ce moment-là que le lieu solidaire est ouvert à tous. Une formule qui convient bien à Mathéo, qui constate que ce type d’activités permet d’établir un lien plus proche avec ses professeurs. Chaque année, les trois mois de l’année scolaire de la nouvelle classe de 3e sont consacrés à préparer le nouveau projet autour de New Love. La réouverture a lieu à partir de décembre, lors d’une journée d’inauguration en présence d’élus et de médias locaux. Un nouveau thème a été choisi pour animer les rayons : après « vintage » en 2020-2021, ce sera cette année « carnaval ».

Le conseil coopératif du club boutique se réunit. Il est composé des élèves de 3e et d’autres élèves de Segpa qui ont choisi de participer à ce club. Un élève est nommé président, pour mener les débats et donner la parole à ses camarades. Un autre, secrétaire, note les décisions du jour. Le conseil se conclura par la possibilité des élèves de s’adresser des félicitations les uns aux autres. 

Parmi les décisions à l’ordre du jour du conseil : voter pour l’un des logos, créé durant les cours d’arts plastiques, et qui figurera sur le flyer distribué pour promouvoir la boutique. Est également évoquée l’invitation, de nouveau cette année, sur la radio locale Plum’FM pour parler du projet de carnaval et de la batucada du collège qui paradera en avril et mai. Les élèves qui souhaitent intervenir dans ce média se proposent. 

« Les élèves m’ont donné un coup de main pendant leurs heures de permanence pour fabriquer le dressing à partir de palettes récupérées. J’ai remarqué que quand ils participent, ils font preuve de plus de respect et incitent les autres à faire pareil », précise Michel Le Tarnec, agent de maintenance au collège.

« Les collégiens sont déjà des consommateurs. Un projet comme celui-ci leur permet de découvrir ce système de seconde main dans les achats, et d’en partager tout l’intérêt avec leurs parents. Il est important de comprendre que l’économie sociale et solidaire (ESS) devrait devenir demain de plus en plus indispensable », estime Virginie Truelle, directrice de la Segpa.

Au programme cette après-midi de vendredi : tri du linge, confection de lavettes lavables vendues en boutique, installations en rayons, renouvellement des habits des mannequins et accueil des clients. 

Pour régler ces achats, deux options : l’euro ou la monnaie locale de Ploërmel, le Galais. La boutique New Love réalise environ 200 euros de vente durant ses six mois d'ouverture. Le reste du budget de fonctionnement provient essentiellement de prix reçus saluant cette initiative, comme les Trophées de la vie locale en 2019 ou les Trophées bretons du développement durable en 2021. Côté dépenses, il y a l’adhésion à l’OCCE (Office centrale de la coopération à l’école), qui coûte 120 euros par an, afin de disposer du statut de coopérative, d’un compte en banque et d’une assurance couvrant les élèves dans la boutique.

Depuis cette année, les vêtements sont vendus au kilogramme, soit 2 € ou 2 galais le kg. La boutique reçoit près de 400 kg de vêtements par an. Le surplus est récupéré par le Relais Bretagne (revalorisation de textiles) situé à Acigné. Les vêtements recyclés qui ne servent pas sont transformés pour de l’isolation acoustique thermique. « Ici, les gens ont plus de facilité à donner qu’à venir acheter », observe Virginie Truelle, qui réfléchit avec les autres professeurs aux possibilités d’élargir la clientèle.

« La professeure d’arts plastiques nous a demandé de faire des bouquets avec des fleurs séchées et du tulle pour cacher l’armature en bois des mannequins, qui serviront à la boutique », explique Sarah, élève de cinquième, qui participe à la vie du lieu dans le cadre du club boutique.

Au fond, dans l’une des pièces de l’appartement, une salle est dédiée à la couture et au repassage. Lilou, en classe de troisième Segpa, coud des lingettes à partir de tissus recyclés. « C’est toujours utile de savoir coudre, on nous apprend par exemple à réparer les trous dans les vêtements. Et même si je me dirige vers la restauration, ça me servira, et je pourrais le montrer à mes enfants. »

« A chaque fois que je porte les vêtements achetés ici et que les jeunes les reconnaissent, je vois que ça leur fait plaisir », indique Noémie Nodon de Monbarron, assistante d’éducation, qui vient comme cliente deux à trois fois par semestre. La clientèle se compose du personnel du collège, des familles des élèves et des Ploërmelais qui ont pu découvrir cette initiative relayée dans les médias locaux.

Le conseil du club boutique est aussi l’occasion de parler des projets futurs. Ainsi, le thème pour l’année scolaire 2022-2023 devrait être le sport. « Beaucoup d’articles de sport ont été collectés et cela pourrait donner lieu à une vente thématique, associée à la création d'un événement sportif en lien avec les professeurs d’EPS », annonce Cécile Roy. Plus globalement, « concernant les pistes à développer, nous aimerions nous rendre plus visible hors du collège, par exemple avec des ventes sur le marché comme l’avait fait Madame Roy », conclut Virginie Truelle.