Comment rendre accessibles les livres illustrés aux enfants mal ou non voyants ? Un professeur d’université s’est inspiré du principe développé par certains fablabs, l’impression 3D, pour cofabriquer des prototypes de livres « tactiles » qui répondent à cette demande.
Une image vaut mille mots : c’est cette expression populaire qui a poussé Tom Yeh, professeur de technologie à l’université du Colorado Boulder aux États-Unis, à développer le concept de livres tactiles pour enfants. Les enfants souffrant de déficiences visuelles ont ainsi accès, comme tous les autres, à ce mode d’apprentissage : mémoriser de nouveaux mots en les associant à une image. Si les images en relief ne sont pas choses nouvelles, tout comme le Braille (conçu en 1832, par un jeune Français), l’association des deux est inédite, et permet aux plus jeunes une expérience globale.
Une synergie au service des enfants
Tout a commencé sur la base de travaux pratiques. En 2014, Tom Yeh propose un exercice à ses étudiants : réaliser un livre de quatre pages en 3D. Comme une version 2.0 de ce que propose l’association Enfant-Aveugle qui permet aux parents de créer leur livre en relief, mais de façon plus traditionnelle, à l’aide de bons vieux ciseaux et tubes de colle.
Pour l’exercice, les étudiants s’inspirent d’un classique de la littérature de jeunesse aux États-Unis : Goodnight Moon de Margaret Wise Brown, l’histoire d’un petit lapin qui souhaite une bonne nuit à tout ce qui l’entoure. L’expérience est concluante. Ils obtiennent un ouvrage en plastique souple comprenant des parties écrites en Braille et des images en relief. Tom Yeh et son équipe décident alors de réitérer l’expérience en prenant un autre classique : Harold and the purple crayon de Crocket Johnson.
Cette fois, ils s’associent avec le Anchor center for blind children, un centre spécialisé pour jeunes aveugles à Denver, afin de répondre au mieux aux besoins de ce « public spécifique ». Ils peuvent compter sur le soutien de l’université, sous la forme d’une aide de 8 000 dollars, qui leur permet d’assurer la bonne marche du projet. Il ne reste plus alors qu’à dupliquer le résultat, et surtout diminuer les coûts de fabrication de cette production essentiellement artisanale.
Vers une technologie solidaire
Là encore pragmatique, Tom Yeh et ses étudiants décident de solliciter les propriétaires d’imprimantes 3D pour multiplier les impressions. « S’ils peuvent donner un peu de leur temps et de leur créativité pour créer quelque chose qui bénéficie aux enfants souffrant de troubles de la vision, ce serait très bien », suggère en amont de ces demandes le professeur, dans le magazine web spécialisé dans l’impression 3D, 3Dprint.com. Résultat : désormais impliqué lui aussi, ce support souhaite participer à l’extension du catalogue de livres spécialisés d’une offre qui, pour le moment, reste malheureusement limitée.
La méthode de Tom Yeh n’est pas sans rappeler celle de l’organisation Enabling the future et de sa communauté, qui incite les volontaires à imprimer des prothèses en 3D pour les handicapés à travers le monde. « L’impression 3D est la clé pour simplifier la réalisation de livres en relief. Parallèlement, ces imprimantes sont de moins en moins chères et plus puissantes. Bientôt les gens les posséderont à la maison. » Justement, le nouveau projet de Tom Yeh consiste à proposer un logiciel qui permette aux parents d’imprimer leur propre livre, dans le confort de leur foyer.
Une fois ce logiciel au point, chacun pourra récupérer les photos de n’importe quel livre et les mettre en trois dimensions pour les mal ou non voyants. « Le procédé est plus difficile qu’il n’y paraît. Il faut trouver les algorithmes appropriés et rendre la technologie facile d’accès », relativise Tom Yeh. En attendant, un site internet propose aux parents de faire une demande de livres personnalisés. Une fois, la demande acceptée, les heureux parents reçoivent leurs livres par la poste, quelques jours après et à prix coûtant – prix qui dépend donc de la nature de l’ouvrage…